Dédié à son grand frère August (qui est aussi évoqué dans Tetro), Coppola signe Rumble Fish qui a pour sujet les relations entre un adolescent et son frère aîné sur fond de bagarres entre bandes rivales. Le film est surtout connu pour sa composition en noir et blanc. Au delà de l'expérimentation sur l'image le noir et blanc nous entraîne dans la légende urbaine et dans la nostalgie.
La légende du film se nomme Motorcycle Boy, c'est le grand frère incarné par Mickey Rourke. Son calme et son détachement fascinent Rusty James. Ancien chef de bande, Motorcycle Boy ne s'intéresse plus désormais qu'aux poissons combattants qu'il observe dans les aquariums. N'est-il pas devenu un peu frappé ? Non, affirme son père, il aurait seulement une acuité de jugement plus grande que la moyenne. « Ce type-là c'est une majesté en exil » dit un ancien de la bande. Sa voix douce, son sourire énigmatique semblent cacher une blessure intime. Parti en Californie il en revient changé, probablement sous les coups de la drogue ou d'une déception amoureuse. « La Californie, c'est beau et félin comme une fille sous héroïne » répond Mickey Rourke à son frère.
La nostalgie, ou plutôt le temps qui passe trop vite est le véritable thème de Rumble Fish. Plus fugace que le temps des bagarres appelé à disparaître, plus éphémère que la complicité avec la petite amie Patty, c'est la jeunesse qui fuit à toute blinde. La phrase-clé du film est « J'ai encore 35 étés à passer ». Ou beaucoup moins (quinze étés... ou cinq ?). Les plans innombrables qui nous montrent des horloges (et il y en a de toutes les tailles) sont parfois remplacés par des nuages filmés en accéléré. Le temps est comme la rouille. Il salit et fragilise tout. Motorcycle Boy lui-même semble vieilli prématurément et marche en s'appuyant sur une canne de billard. Et les deux frangins risquent de ressembler plus tôt qu'ils ne le pensent à leur père alcoolo interprété par Dennis Hopper.
Le temps passe plus vite que notre jeunesse, semble nous dire Coppola, et les idoles qui nous faisaient rêver sont appelées à disparaître irrémédiablement. A moins qu'au contraire ces mêmes idoles, en nous faisant rêver, nous empêchent de vieillir trop vite.