Je suis assez vieux pour me souvenir de la promo du film, en 1984. Mes parents n’ont pas voulu que je le voie à ce moment-là, mais j’ai gardé du film deux images en tête : celle du sol qui s’ouvre au pied de l’immeuble de Dana et engloutit une voiture de police, et celle du fantôme joufflu verdâtre qui ressemble à un glouton sympathique.
Ce n’est que trois ans plus tard que j’ai pu le voir, et ce fut une véritable révélation.Tout, dans ce film, me plaît :
1°) cette petite histoire de fantômes qui va progressivement prendre de l’ampleur jusqu’à aboutir à l’apparition d’un dieu “sumérien, pas babylonien” en plein centre de Manhattan. Un crescendo parfaitement dosé, car qui pourrait croire, en voyant les oeufs de Dana Barrett griller dans sa cuisine, que les conséquences en seraient aussi cataclysmiques ? Et c'est petit à petit que la catastrophe va se mettre en place.
Le scénario, en cela, est construit de façon impeccable, englobant aussi bien des délires paranormaux que l’on s’attend logiquement à trouver chez ce type de personnages, que des prophéties bibliques sur les morts qui se relèvent de leur tombe. Les propos du “Maître des clés” sur les “camarades qui seront bientôt libérés” montrent même que le “châtré” Walter Pen est un instrument du destin (ou de n’importe quelle force obscure qui contrôle les humains).
Sous ses airs de comédie, SOS Fantômes aurait pu facilement dériver vers des ténèbres autrement plus sérieuses et plus sombres. Le potentiel horrifique est plus important ici que dans une grande partie des films d’horreur de ces dernières années. Il est savamment désamorcé au bon moment et de la bonne façon, par le jeu des acteurs et la science des répliques (qui, pour une fois, fonctionnent mieux en VF).
2°) Car SOS Fantômes est un catalogue de répliques cultes. Depuis les lapalissades :
“Où monte cet escalier ?
_ En haut”
jusqu’au juron
“Zut, flute, caca boudin”
en passant par le saugrenu :
“J’ai vu des trucs à faire rougir un nègre”
ou le scabreux :
“Je vais ramener Dana à son appartement et lui faire une fouille complète”.
3°) Et tout cela est servi par une formidable bande d’acteurs.
Harold Ramis joue le scientifique apparemment froid, ne s’intéressant qu’à son domaine de recherches et considérant les dégagements de phéromones de la secrétaire avec circonspection (avec, parfois, un petit air “spockien”).
Dan Aykroyd joue, quant à lui, la bonne poire très motivée et un peu puérile sur les bords.
Enfin, Bill Murray, c’est la classe en action, sautant sur toutes les femmes qui se présentent, multipliant les allusions sexuelles, ne comprenant pas forcément tout ce qui se passe mais menant le jeu avec un charisme qui envahit l’écran.
Mais soyons clairs : si Bill Murray apparaît vite comme l’acteur que l’on remarque le plus dans SOS Fantômes, le film ne fonctionne vraiment que par le groupe, par cette alliance improbable de losers sympathiques qui tirent le gros lot avec un peu de bravade et pas mal de chance. Et dans ce groupe qui achève de garantir le succès du film, il faut inclure l’inoubliable Louis Tully avec ses fêtes “branchées”, ses maladresses à répétition et ses aliments bio, Walter Pen, et même le duo formé par le maire et le cardinal.
4°) Ivan Reitman sait mener sa barque avec talent. Le film n’a aucun temps mort et le cinéaste, ancien producteur des films de David Cronenberg, sait jouer aussi bien sur l’humour que sur le grandiose.
Sur le plan technique, les trucages sont un vrai régal pour les yeux.
Et impossible de parler du film sans mentionner sa musique, énième composition du grand Elmer Bernstein, avec en prime la chanson de Ray Parker Jr.
Donc, finalement, tout s’unit pour faire un bon film ici.