Après Trinita, Ringo et Django, attaquons-nous à un autre western qui aura engendré bon nombre de suites, fausses suites, et autres hommages. Nous allons parler aujourd’hui du culte Sabata (1969) de Gianfranco Parolini (Sartana, Cinq pour l’Enfer) avec l’inimitable Lee Van Cleef (Le Bon La Brute et le Truand, Et Pour Quelques Dollars de Plus). Sabata fait tendre le genre vers la parodie des films de Sergio Leone ou Sergio Corbucci, sans que cela soit excessif, et qui rappelle dans son déroulement Pour une Poignée de Dollars (1964, Sergio Leone), mais en plus décontracté, avec moins d’enjeu dramatique ou d’affrontement psychologique. Un western audacieux à ranger dans le « must see » des westerns italiens des années 60/70 et sur lequel on prend un énorme plaisir.
Après avoir crevé l’écran dans Et Pour Quelques Dollars de Plus (1965), Le Bon La Brute et Le Truand (1966), Colorado (1966) Le Dernier Jour de la Colère (1967) ou encore La Mort Etait au Rendez-vous (1967), Lee Van Cleef va interpréter ce qui va devenir un personnage culte du western Spaghetti, Sabata. Le film est un succès phénoménal en Italie et à l’international et aura droit à deux suites : Adios Sabata en 1970, avec Yul Brynner en tête d’affiche, et Le Retour de Sabata en 1971, avec Lee Van Cleef qui vient reprendre son rôle. Le succès ne s’arrête pas là puisque ce sont pas moins d’une douzaine de films estampillés Sabata de près ou de loin qui vont voir le jour. Et Sabata les Tua Tous (1970), Arriva Sabata (1970), Sabata Règle ses Comptes (1971), … et même un film érotique franco-belge au doux nom de Les Filles du Golden Saloon (1975). Sans égaler les répercussions de Django, Ringo ou Trinita sur le marché cinématographique italien de l’époque, la folie Sabata était bien là. Et cette saga continuera à avoir un impact bien plus tard puisque le personnage (secondaire) de Banjo, interprété par William Berger, est la principale source d’inspiration de Robert Rodriguez pour créer son personnage joueur de guitare de El Mariachi, Desperado, One Upon a Time in Mexico. Tarantino fera un clin d’œil au film dans son Django Unchained. Culte je vous dis.
Sans pour autant verser dans la comédie, le ton de Santana est bien plus décontracté que la plupart des westerns spaghettis habituels. Nous sommes plus ici dans le fun, avec un héros façon James Bond (avec tout ce que cela comporte de gadgets) au pays des cowboys. Ce héros, c’est l’attraction principale du film : Sabata. Interprété par Lee Van Cleef, avec sa petite moustache fine et sa tête de fouine, son cynisme, l’œil coquin, le sourire en coin, tout de noir vêtu, cigare fin au bec, adapte de la winchester, fine gâchette et pro du lancer de pièce d’un dollar, il est ici au sommet de son art et de son charisme. Il sera accompagné d’un lanceur de couteaux mexicain bien en chair, d’un indien acrobate mutique, d’un joueur de banjo mystérieux et ils seront opposés à un méchant dandy très ambigu, à la tête improbable, dont le passetemps est de lire des ouvrages de philosophie tels que « L’inégalité est à la base de notre société » et de se prendre pour le maitre du monde.
Il y question dans Sabata de règlements de comptes, d’amitié, de trahisons, de personnages véreux, de gros sous, de coup montés, de duels, de pièges, … Bref, tous les ingrédients qui, lorsqu’ils sont bien imbriqués et qu’ils sont couplés à des idées originales et une mise en scène de haute tenue, vont donner un très bon western.
D’entrée de jeu, on notera la mise en scène très classe de Gianfranco Parolini. Superbe scope, plans séquences, positionnement osé de la caméra, photographie très belle, le tout avec un budget des plus confortables lui permettant d’avoir des décors luxueux et un sacré paquet de figurants. Oui, visuellement, ça en jette vraiment. Au niveau de la musique, même chose. Même si on n’atteint pas les sommets comme sur la trilogie du dollar de Ennio Morricone ou les thèmes génialissimes de On l’appelle Trinita et Django, les musiques sont très bonnes, d’ailleurs assez différentes des films cités précédemment.
L’autre très grosse force de Sabata, c’est son rythme. Pas ou peu de temps morts malgré l’histoire parfois bizarrement fichue, les scènes d’actions sont nombreuses, inventives, et surtout très réussies, à commencer par le long final. Le film est bourré d’idées et lorsque l’heure n’est pas à l’action, les dialogues sont pittoresques et certaines punchlines mémorables. Alors oui, tout ça n’est pas très profond au final, mais qu’importe, parce que qu’est-ce qu’on s’amuse! Et même si la suite est à priori moins bonne, on a juste envie d’y foncer tête baissée pour prolonger le plaisir. Et ça, c’est signe que c’est réussi.
Avec son ton plus léger qu’à l’accoutumée, un rythme élevé et un Lee Van Cleef absolument génial, Sabata fait partie des fleurons du genre western spaghetti. Un indispensable pour les amateurs du genre.
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