Daughtery City, un orage violent gronde sur la petite ville perdue du Texas, à genoux en plein milieu de la rue principale un vieux vétéran de l'armée (Carrincha incarné par Pedro Sanchez (ou Ignazo Spalla c'est selon) oublié par l’État, l'air mal dégrossi mais bon vivant, hurle sa triste situation à son seul ami, perché sur le toit du plus haut bâtiment de la ville, un mystérieux Indien bien silencieux surnommé « le singe » en raison de ses impressionnants dons d'acrobates. Dans un saloon où notre ancien militaire sans-le-sou aimerait bien se rincer le gosier, les jeux d'argent, le music-hall vont bon train ; dans un coin légèrement en retrait, accolé à une de ces danseuses qui est surtout son amante, se trouve un homme à l'allure nonchalante et débonnaire, banjo en main sur lequel il gratte un air ou deux pour passer le temps semble-t-il en attendant qu'une activité lucrative pointe le bout de son nez… son nom (ou plutôt son surnom) Banjo justement (incarné par William Berger qui livre une belle prestation).
Pendant ce temps, à l'autre bout de la petite ville, des soldats de l'armée… enfin plutôt des hors-la-loi vêtus en uniforme de l'armée s'évertuent d'une manière - reconnaissons leur - assez novatrice à dérober le coffre-fort d'une banque.
C'est dans ce contexte que débarque notre héros, telle une ombre dans la nuit sur un destrier aussi noir que ces habits ; cette silhouette mystérieuse va venir rétablir la justice - mais surtout trouver l'occasion de généreusement s'enrichir - dans cette ville à première vue bien tranquille, mais où ses élites corrompues et ses composants hétéroclites ne semblaient attendre que l'étincelle qui allait mettre le feu aux poudres.
Inaugurant une trilogie en créant l'un de ces personnages iconiques du western spaghetti, Sabata 1er du nom (ou en forme longue et originale Ehi amico ... c'è Sabata. Hai chiuso!) réalisé par Gianfranco Prolini (crédité sous le nom de Frank Kramer), Lee Van Cleef y incarne le rôle de Sabata, plus proche du colonel Mortimer d’‘‘Et pour quelques dollars de plus’’ que Sentenza dans ‘‘Le Bon la Brute et le Truand’’. Sabata est un tireur d'élite à l'aise avec un revolver, une carabine ou même une pièce de monnaie. Sa présence très charismatique, mise en valeur par la mise en scène, porte très clairement le film et on sent que Lee Van Cleef a pris du plaisir à jouer son rôle. Entouré de personnages secondaires souvent très caricaturaux, mais cela a au moins le mérite de les rendre clairement identifiables ; à qui s'ajoute en plus de ceux déjà décrits le méchant principal, un méchant très (très) méchant, pourri jusqu'à la moelle, sadique et cupide.
J'ai beaucoup apprécié le personnage Banjo, qui sans trop en donner l'air se réveille peu à peu tout au long du film, passant du petit magouilleur et fouineur au réel pro de la gâchette. La présence de son instrument de musique y ajoute quelque chose et rappelle l'homme à l'harmonica dans "Il était une fois dans l'ouest."
Des accessoires et armes à feu innovantes sont également présents dans le film, le pistolet qui tire également par la crosse de Sabata, la canne lanceuse de couteaux du méchant, le banjo-carabine de Banjo…
Petite mention à la musique de Marcello Giombini, son thème principal plutôt entêtant, le thème conçu pour le personnage de Banjo et d'autres musiques plus secondaires et plus proches de celle d'Ennio Moriconne.
Néanmoins, malgré toutes ses bonnes idées, le film souffre indiscutablement de quelques longueurs, avec un ventre mou où Sabata s'évertue avec trop de facilité à déjouer les tentatives d'assassinat et éliminer les différents tueurs à gages que ses ennemis lui envoient pour s'en débarrasser ; d'autant plus que cela nous prive dans le final d'un vrai face-à-face - comme le western italien sait en faire - entre Sabata et l'homme que l'histoire est parvenue petit à petit à faire gagner en crédibilité comme étant peut-être le seul à pouvoir réellement lui faire face.
Sans être un des meilleurs du genre, Sabata a moins le mérite d'être un western urbain très divertissant, avec des personnages volontairement caricaturaux il semble être dans un certain sens une semi-parodie des films des Sergio Leone , Gianfranco Prolini et Lee Van Cleef auront également eu au moins le mérite de créer un autre personnage iconique du western italien trouvant sa place au côté de Django, Trinita ou autres… s'ensuivront deux suites officielles et une série d'autres films réemployant le nom de ce personnage avec plus ou moins de réussite.