Grâce à une mise en scène artisanale d'une technicité incroyable, précise et rythmée, et une écriture ciselée, Sabrina est une comédie romantique délicieuse, une machine bien huilée roulant sans accroc.
Billy Wilder livre un marivaudage (ou plutôt une "opérette viennoise") joyeux, à son meilleur lorsqu'il décrit l'habile retournement de classes sociales ; c'est l'histoire de la fille d'un voiturier au service d'une famille d'industriels puissants qui, changée après un voyage à Paris, revient chambouler les esprits des aristocrates qu'elle servait. Cette aristocratie, Wilder la montre dans toute son élégance (cadre superbe, réceptions high class), et n'oublie jamais de la moquer gentiment ; l'ouverture est un succulent moment dénonçant l'absurdité de la richesse, où chaque élément extérieur a son pendant intérieur, et son intendant particulier.
Qu'arrive-t-il lorsque cet entre-soi, où seuls les intérêts personnels et financiers comptent, éclate à la vision d'une sublime femme ?
C'est toute cette déconnexion du réel que Wilder décortique avec sympathie dans une première partie parfaite, avant de prendre le chemin plus balisé de la comédie amoureuse.


"Comment comptez-vous ramener ma fille à Paris ?
- En première classe évidemment !"


"Aucun pauvre n'a jamais été qualifié de démocrate pour avoir épousé un riche."


Peuplé de sublimes séquences (une danse sur un court de tennis vide, une chanson de Piaf doucement chantée dans un mélancolique voyage nocturne en voiture), Sabrina, derrière son humour cocasse, servi par des comédiens n'ayant jamais peur du ridicule, vaut surtout pour la grâce absolue d'Audrey Hepburn, superbe et impériale dans ce film qu'elle porte entièrement, épaulé par la classe blessée d'un Humphrey Bogart dans un rôle à contre-emploi et de William Holden dans la peau d'un personnage plus fin et touchant qu'il ne paraît. C'est Hepburn qui, par son intelligence déguisée en fausse candeur, dévoile tout le spectre de la lâcheté masculine et incarne à elle seule le charme de ce film léger et drôle, qui se déguste comme une flûte de champagne à bulles fines.


"Isn't it romantic ?"


https://www.youtube.com/watch?v=VcuDBCuds70&ab_channel=LateNightSoundtracks

Créée

le 27 déc. 2020

Critique lue 152 fois

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Charles Dubois

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