Take Shelter
Carol White, femme au foyer, vit une vie paisible dans sa grande maison luxueuse, auprès de son riche mari, du fils de celui-ci et de ses employés de maison. Ses journées sont bien chargées entre les...
Par
le 22 juil. 2014
16 j'aime
4
Que se passerait-il si les humains étaient soudainement rejetés par la planète qui les a vu naître ? Si la Terre, pour ainsi dire, devenait inhabitable ? Impossible ! nous dit La Guerre des mondes de Spielberg, ce sont plutôt les envahisseurs qui seront anéantis par les lois de la sélection naturelle. L’humain, cette espèce élue par des siècles de contrôle qualité darwiniens, ne risque rien. Le Safe de Todd Haynes n’en est pas si sûr.
Carol est femme au foyer. Mais ce foyer ne semble pas être le sien tant elle le traverse comme un spectre vagabond. Seule chez elle, elle alterne subrepticement entre le dedans et le dehors du cadre, ignorée par une caméra qui a plus tôt jeté son dévolu sur les lignes épurées d’un intérieur moderne. La présence de Julianne Moore, qui campe ce personnage avec une inquiétante intensité, est une absence. Elle peine à se faire entendre par sa femme de ménage, peine à se faire comprendre par ses amis, peine à prendre du plaisir avec son mari et peine franchement à susciter l’empathie même du spectateur.
Cette étrangère parmi les humains tombe alors malade, aux prises d’un mal qui la rend allergique à tout ce qui l’entoure : le parfum de son mari, l’air de la ville, la fibre de son pull. Mettant cela d’abord sur le compte de l’hystérie, le personnel médical finit par baptiser euphémistiquement ce trouble de « maladie environnementale ». Exclue d’une société qui refuse de comprendre ses maux, Carol part rejoindre un groupe d’individus qui semblent souffrir du même syndrome. La réalisation de Todd Haynes passe alors d’un réalisme froid à une sorte de diffraction de celui-ci en une dystopie terrifiante : vivant totalement isolés, ces individus en viennent à suivre les fausses prophéties d’un gourou escroc, sans autre horizon que la réclusion complète et la quête d’une vie entièrement aseptisée.
Ce que raconte en fait le film, c’est la rupture des noces millénaires de l’humain et de sa planète, l’éventualité d’une symbiose devenue impossible. C’est en cela que Safe est une fable écologique, narrant la fin de la vie sur Terre non à travers une catastrophe apocalyptique mais une dissipation à petit feu de notre droit d’y séjourner. Si le film nous touche c’est par la précision du vertige suscité par la transfiguration d’un espace connu en territoire hostile. Si le film nous bouleverse c’est parce que, ce faisant, il célèbre en creux le contrat tacite et encore réel de l’homme et de la planète. C’est en se rendant compte de la fragilité de celui-ci que le combat pour le sauver prend forme.
Créée
le 19 oct. 2021
Critique lue 85 fois
1 j'aime
D'autres avis sur Safe
Carol White, femme au foyer, vit une vie paisible dans sa grande maison luxueuse, auprès de son riche mari, du fils de celui-ci et de ses employés de maison. Ses journées sont bien chargées entre les...
Par
le 22 juil. 2014
16 j'aime
4
"Safe ", ça veut dire "sûr, en sécurité".... Mais c'est aussi un " coffre-fort". Et c'est ainsi que ce film, qui part d'une prémisse médicale véritable (certaines personnes sont hyper-sensibles aux...
Par
le 3 sept. 2014
13 j'aime
Deuxième film que je vois de Todd Haynes après "Loin du paradis", excellent hommage aux mélodrames de Douglas Sirk et un beau portrait de femme où on retrouve la même Julianne Moore dans le rôle...
Par
le 9 août 2014
10 j'aime
4
Du même critique
Vrai-faux (mais surtout faux) remake du Bad Lieutenant d’Abel Ferrara, l’escale à la Nouvelle-Orléans du franc-tireur du cinéma indépendant, Werner Herzog, est un film hallucinant (et pas seulement...
Par
le 31 oct. 2021
1 j'aime
Que se passerait-il si les humains étaient soudainement rejetés par la planète qui les a vu naître ? Si la Terre, pour ainsi dire, devenait inhabitable ? Impossible ! nous dit La Guerre des mondes de...
Par
le 19 oct. 2021
1 j'aime
Quentin Dupieux s’est décidément spécialisé dans le sous-genre des films qui parlent de la fabrication d’autres films, ou du moins de la fabrication d’autres récits, des méta-récits en somme. Et...
Par
le 23 sept. 2019