Stagiaire au Seattle Magazine et jeune femme désabusée, Darius Britt (Aubrey Plaza) est chargée d’un nouveau reportage avec deux collègues (Jake Johnson et Karan Soni). Ces derniers vont interviewer Kenneth Calloway (Mark Duplass), un original qui a récemment passé une annonce pour trouver un compagnon afin de voyager dans le temps avec lui. Envoyée incognito pour se lier d’amitié avec l’homme en question et voir à quel point il est convaincu ou non de sa supercherie, Darius en vient à douter elle-même : Calloway est-il vraiment fou ou son projet de voyage dans le temps est-il réalisable ?
Si les détracteurs de Jurassic World ont attribué la faiblesse d’écriture de ses personnages à l’absence de savoir-faire de son réalisateur Colin Trevorrow, c’est qu’ils n’ont pas vu Safety not guaranteed. Premier film de Trevorrow, Safety not guaranteed a le profil même du projet fauché, qui compense son manque de budget par un scénario bourré à craquer de bonnes idées.
Un premier signe qui ne trompe pas, c’est qu’on est incapable de catégoriser précisément ce film : il n’est pas une comédie à proprement parler, pas non plus un drame ni un film romantique, et encore moins un film de science-fiction ou un film policier. Et pourtant, il est tout cela à la fois. En effet, le scénario de Derek Connolly touche un peu à tout, et s’il conserve une remarquable unité, c’est parce qu’il s’appuie sur des personnages bien écrits qui sont véritablement au centre de l’intrigue, et que les acteurs, tous parfaits, parviennent sans peine à rendre attachants, en nous faisant oublier la part de clichés contenue dans chacun d’eux.
Etant donné que le budget est très limité, il faut que le film puise toute sa force dans son récit, et c’est bien ce que fait Safety not guaranteed, en nous proposant un scénario qui joue habilement de la terrible ambiguïté autour du personnage de Kenneth, incroyablement attachant (et incarné par l’excellent Mark Duplass) faisant même douter son spectateur, qui se retrouve dans la même position que Darius, à être certain au plus profond de lui-même que Kenneth est malade, mais à vouloir désespérément qu’il ait raison. Développant cette ambiguïté en réussissant à ne jamais nous laisser le moyen de savoir qui a raison quant au sujet de Kenneth, c’est là que le film de Trevorrow fonctionne admirablement, alternant avec un brio inattendu la comédie, la romance et le thriller, sans jamais que l’un n’écrase les autres.
Le corollaire est néanmoins qu’en privilégiant l’intrigue entre Darius et Kenneth (de loin la plus intéressante), Trevorrow et son scénariste Derek Connelly n’arrivent pas à nous intéresser aux intrigues secondaires concernant les deux collègues de Darius, intrigues totalement inutiles à l’avancée du scénario. Malgré cette faiblesse heureusement discrète, Safety not guaranteed n’en remplit pas moins toutes ses promesses de feel-good movie, et lorsqu’on sort de cette pépite inclassable, indéniablement, on se sent mieux. Signe, s’il en était encore besoin, que les films les plus honnêtes sont parfois ceux qui passent le plus inaperçu…