Kervern et Delépine, ou le duo le plus improbable de France, continuent à tracer leur chemin entre film fait maison et expérimental, délires sérieux et grosse blagues...
Avec ce Saint Amour les deux réals se soumettent plus aux règles classiques de la fiction (qu'ils maltraitent toujours tout de même un peu), en proposant à leurs solides comédiens ce postulat qu'ils étirent jusqu'au n'importe quoi : un père agriculteur décide d'emmener son fils sur la route des vins pour partager avec lui ce moment dont il rêvait.
L'intrigue est de fait émouvante. Et voir Depardieu, ce gros bonhomme touchant en agriculteur, et Poelvoorde, cet aviné barré, touchant en fils frustré du cul qui ne veut pas faire comme son père, ne peut que confirmer cette émotion ; les deux comédiens, solidement épaulés par d'immenses têtes d'affiche qui se font le plaisir d'oublier le reste de leur filmographie et de passer ici pour seulement quelques minutes, sont justes comme jamais, et l'on se sent proche d'eux (c'est autant le style, sans fard, tourné en public parfois que la connivence de leurs jeux qui donne cet effet), et l'on veut rire avec eux, et l'on veut pleurer avec eux.
On est donc surpris par la sensibilité extrême que dévoilent les deux réalisateurs, qui nous avait déjà tant fait pleurer dans leur superbe Mammuth.
Mais s'il on a la larme à l’œil, c'est aussi par l'humour absurde et gras dont les deux Grolandais sont aujourd'hui les plus convaincants représentants.
Dés les premières images ils montrent un décalage ; des vaches brossées dans Paris. Décalage de ce salon immense et annuel qu'est celui de l'agriculture, point de départ d'un périple tout d'abord virtuel (de stands en stands) pour finir réel (de villes en villes).
Et c'est dans ce périple que les réals se permettent les plus gros délires, les rencontres autant justes que barrées, les plus gros fous rires. D'une jeune serveuse dépressive et blasée (surement la scène la plus drôle du film : "Bonne continuation messieurs dames.", alors que Depardieu essaie, en vain et pendant de longues minutes, d'expliquer son amour à son fils) à une jeune amazone nymphomane réfugiée dans des cabanes (Céline Sallette, délirante), en passant par un conducteur de taxi mythomane (Vincent Lacoste qui au fil des rôles se construit réellement une personnalité) et un père de famille dans le besoin qui fait de sa maison une chambre d'hôte de fortune (Michel Houellebcq, surprenant d'humour dans ce rôle perché). C'est ce sentiment d'abandon maîtrisé (et même improvisé) des acteurs qui rend cet humour si juste, si absurde, malgré une certaine obsession pour la sexualité.
Mais on l'a dit et on le répète, ce Saint Amour est à entendre au sens plus large.
Autant déclaration sensible et juste d'amour aux agriculteurs et à la France, la vraie, loin de cette capitale parisienne qui se pense ville-France, déclaration d'amour à la famille (on repense à cette fin, bizarre mais douce, cet éternel retour à la mère, cette triple parentalité absurde qui démontre l'importance d'en avoir une) que déclaration d'amour à la vie, dans sa simplicité et ses petits plaisirs (le film est très hédoniste : le sexe, la bouffe, le vin. Surement la raison pour laquelle Depardieu fait partie du casting), et dans ce final qui se conclut à la campagne dans la chaleur maternelle.