Au fil des films, Delépine et Kervern construisent une œuvre libertaire et foutraque aux accents surréalistes. Il y a de la liberté dans ce cinéma-là, du bordel aussi, une volonté de n'en faire qu'à sa tête sans chercher la perfection.
Saint Amour est un road-movie aux ressorts classiques et aux sorties de route anarchiques. On roule, on fait des rencontres, on change. Il s'agit ici du rapprochement entre un père agriculteur et son fils alcoolique, de la route des vins, d'un chauffeur de taxi mythomane, de filles étranges, de gens abimés, de solitude, de tendresse, le tout cahin-caha, avec davantage d'amour que de saints dedans.
L'esprit est celui d'un certain cinéma des années 70, des premiers films de Blier, d'une gauloiserie bon enfant entrant en résonance avec les échos du monde d'aujourd'hui (la serveuse qui s'angoisse de la dette ou la famille qui loue ses chambres et dort dans le garage), un désenchantement qui est aussi la marque du cinéma de Delépine et Kervern.
Si Saint Amour est plus bancal et moins puissant que Mammuth, Louise-Michel ou Le grand soir, il n'en demeure pas moins attachant, drôle et plutôt savoureux. Mené par un trio ad hoc, un Depardieu génial, un Poelvoorde borderline et un Lacoste enfin subtil, le film s'enrichit d'une pléiade de seconds rôles et d'apparitions pour certaines jubilatoires (Houellebecq, Ovidie ou Andréa Ferréol notamment) et d'une bien jolie BO de Sébastien Tellier.
Au moment où l'on ne sait plus trop à quoi s'en tenir, le film se transforme en fable à la naïveté revendiquée. On pourrait trouver ça idiot, ou choisira d'être touché par une conclusion pleine d'espoir à la tendresse salvatrice. Saint Amour est un petit film qui fait du bien, "c'est toujours ça que les Boches n'auront pas !"