Jean et Bruno, agriculteurs père et fils, traînent leurs blessures, leurs soifs et leur carcasse à travers la foire agricole de Paris, puis la France des vins dans le taxi du jeune Mike, dont la barbichette et le permis de conduire dissimulent mal qu'il est resté, peut être définitivement, ce qu'il était en classe de première. Sur le chemin ils rencontrent une population plutôt atypique avant de d'opter pour un ménage rural à quatre avec une quadragénaire en instance de ménopause à qui ils ont fait un enfant.
Tout ceci est bien mal fagotté.
Bien sûr, Poelvoorde est formidable, peut-être même mieux que d'habitude, dans un rôle qui lui laisse beaucoup d'espace pour exploiter le coeur de sa palette : prolo, comique, ivrogne, borderline, homme simple, diseur de vrai.
Depardieu fait Depardieu, en tiède. Lacoste est bien en lycéen ; malheureusement quelques scènes demandent autre chose et il se rate.
Au final, ce film est un cimetière de projets morts-nés. Il aurait pu être un regard sur la condition agricole, mais il aurait fallu quelqu'un aux commandes avec une sociologie qui vienne d'ailleurs qu'un comptoir, et surtout qui sente la terre assez fort pour qu'on la sente avec lui. Ç’aurait pu être un road movie, mais il aurait fallu un photographe dans l'exercice difficile de faire voir une route et un pays. On aurait aimé une galerie de portraits explorant l'inquiétante étrangeté qui veine le corps du peuple, mais cela demande une très fine oreille à l'écoute des gens. Il y avait aussi de quoi se laisser partir dans une fable d'errance en traînant avec quelques clochards célestes, mais l'exercice est difficile et jamais on ne passe la barre qui sépare l'ennui de la métaphysique. On pouvait -- pourquoi pas ? -- faire une franche comédie, mais alors cela demande de prendre ce parti là avec une tout autre fermeté, et accepter dès le départ de se faire éreinter par une partie de la critique.
Tout est tenté, rien ne prend. Des fulgurances ici et là arrachent un rire : on pouffe. Si on a des oreilles, on souffre beaucoup. La musique est atroce de banalité redondante.
Alors oui, il y a bien quelques cameos réussis, Houellebecq et Ovidie sortent du lot. Mais c'est peut être ce qu'il y a de plus triste : à la recherche de la terre et d'un peuple, tout ce qu'on trouve ce sont quelques people... Dans l'oeil morne de Delépine et Kervern, la France est un désert.
Au final, la seule chose du film qui échappe à l'évidence triviale (Poelvoorde est un très bon acteur) ou au désastre (à peu près tout le reste), c'est ce curieux enthousiasme pour les livrets instructifs qu'on trouve en station-service. On peut y voir de l'ironie, je n'en suis pas sûr, et je crois que c'est plus joli de le comprendre comme un plaidoyer discret pour une forme peu comprise du projet encyclopédique.