De Saint Omer on retient une impression étrange, l’impression d’une rencontre qui ne s’est pas faite. En sortant du film, dans lequel on est à peine rentré, on se demande ce qu’il y avait à en tirer.
Présenté comme un film de procès, celui Laurence Coly pour le meurtre de sa fille de 15 mois, Saint Omer s’ouvre sur une poignée de scènes quotidiennes, loin de l’accusée en tête d’affiche, de la vie d’une jeune romancière; Rama. Ces quelques 20 premières minutes sont celles qui perdent le film. On ne peut s’empêcher de retrouver de la maladresse des dialogues, mises en situation et choix de jeu de ces scènes introductives chez la famille de Rama dans ceux de Guslagie Malanda, interprète de Laurence Coly. Elle se donne une voix blanche la rendant lointaine et presque mystique que d’aucun trouveraient saisissante mais qu’on ne peut s’empêcher d’affilier à ces scènes gauches du préambule comme une nouveau choix d’interprétation hasardeux.
S’attachant au théâtre pour transformer le tribunal en choeur antique dédié à la tragédie Alice Diop évoque la figure de Médée, héroïne infanticide d’Euripide. Le choix de cette évocation interpelle dans sa forme; rentrant du tribunal Rama regarde le Médée de Pasolini dont on nous montre pas moins de 4 minutes filmées depuis l’écran de l’ordinateur de la romancière auxquelles s’ajoutent les écran titre pour le titre du film et le nom du réalisateur présenté de la même façon.
On se fâche définitivement avec Alice Diop lors de ce qu’on s’imagine la scène qu’elle pensait être le final grandiose du film. L’avocate de Laurence Coly se lance dans une tirade empruntée au théâtre pour expliquer le lien qui se fait entre une mère et son foetus; l’ADN de l’un se mêlant à l’autre créant des “cellules chimères” garantissant un lien immortel entre les deux.
Pour un film si proche des femmes, ce discours biologisant et essentialisant laisse un arrière goût étrange et ce d’autant plus quand la réalisatrice insiste sur une forme de sororité en multipliant les gros plans sur les femmes de l’assemblée toute visiblement touchées par la tirade, jusqu'aux larmes.
Loin d’être un échec total, le film offre quelques soubresauts de brillance. Notons le témoignage du compagnon de Laurence Coly qui semble comme subjugué par cette femme et apporte de la nuance au témoignage donnés et à l’affaire en général.
(Harvey Weinstein?)
De plus, cette relation étrange et inégale explore les relents de colonialisme de certaines relations. (?)
On retrouve dans St Omer quelques beaux moments d’intimité, car c’est là qu’Alice Diop trouve ses effets. Retenons cette scène en flash back, la journaliste se rappelant de sa mère, dans laquelle une femme se pare lentement de ses bijoux traditionnels, donnant lieu à des plans rapprochés, presque privés. Car c’est dans les rapprochements que Alice Diop excelle. Ses films précédents, tous des documentaires, s’y attachaient notablement.
Dans les grands espaces, notamment celui du tribunal, la réalisatrice semble comme perdue, s’aventurant rarement au-delà de plans fixes gardant souvent la même échelle. On y trouve la volonté d’y faire un film de visages mais qui au final se berce d’une platitude à laquelle ses 123 minutes n’aident en rien. A cela s'ajoutent ces histoires parallèles qu’on a du mal à lier entre elles et le fil conducteur de la jeune romancière passe en second plan tout en prenant trop de place comme un cheveu au fond de la soupe.
De Saint Omer on retire un vide après avoir vu un film qu’on aurait tant aimer aimer mais que toute la bonne volonté du monde ne sauve pas et ce malgré quelque moments de brillance.