Jacques Kaminsky,photographe célébrissime,ex reporter de guerre,se retire dans une belle maison en pleine montagne,dans le Massif du Mont-Blanc.Il pourrait couler là des jours heureux,d'autant qu'il a emballé vite fait l'agent immobilier qui lui a fourgué la baraque,une jolie veuve de vingt ans sa cadette.Mais il boude,notre Jacquot,car ses quatre filles,qu'il a eu de quatre femmes différentes,lui font la gueule et renâclent à venir le voir dans sa nouvelle villégiature.Et pour cause,parce qu'en plus d'avoir largué brutalement leurs mères respectives,le bonhomme,trop occupé à faire sortir le petit oiseau à travers la planète,ne s'est jamais occupé d'elles.Maintenant qu'il est vieux et retraité,il a envie de jouer au patriarche.Pour arranger les choses,son médecin et meilleur ami fait croire aux filles que Jacques est malade et près de mourir,ce qui a pour effet de les faire rappliquer ventre à terre.C'est un salaud,mais au fond elles l'aiment,c'est stipulé dans le titre.Le film est produit,écrit et réalisé par Claude Lelouch,ce qui n'est pas étonnant car ça ressemble fort à un autoportrait.Lelouch a lui aussi été reporter,il est lui aussi devenu une vedette dans une discipline liée aux images,il a également eu beaucoup d'enfants avec de nombreuses femmes.S'agirait-il donc d'un mea culpa?Pas vraiment en fait,car le héros,malgré son comportement lamentable,est finalement bien sympathique et parvient à se faire aimer de sa progéniture.Le scénario est complètement erratique.Ca démarre en chronique familiale lénifiante avant de verser dans le psychodrame ridicule.Puis ça bascule de manière surprenante dans le drame absolu,la meilleure partie du film,et ça continue en polar à deux balles pour se conclure en une série de rebondissements tous plus ineptes les uns que les autres.L'ambiance macère dans la frime boboïsante,l'entre-soi élitiste,l'autosatisfaction,la prétention creuse et carbure aux dialogues d'une bêtise stratosphérique,aux citations périmées déjà entendues partout,au politiquement correct délicatement dispensé au Karcher, aux références qui se veulent chics et n'arrivent qu'à faire toc.Ca tombe bien que les filles soient quatre,vu qu'elles portent des noms de saisons.Peut-être Kaminsky est-il fan de pizzas?Ou de Vivaldi,allez savoir.En dehors de ces prénoms débiles,elles exercent toutes des métiers artistiques.Comédienne,écrivain,mannequin et,pour cocher la case "regardez comme on se préoccupe grave de la misère du monde",l'autre est clown dans les hôpitaux.Trop la classe,ça rappelle les bonnes oeuvres des dames de charité autrefois.Quant au père,s'il a toute sa vie été une merde dans le privé,ça ne l'empêche pas d'avoir de grands principes et de donner des leçons quand l'occasion lui en est donnée.Ainsi,il a jadis été l'amant d'une révolutionnaire cubaine,ce qui nous vaut un hallucinant moment de panégyrique du castrisme.A tel point qu'on se demande pourquoi Lelouch n'est pas parti vivre du côté de La Havane,ça a l'air tellement cool là-bas à l'écouter.Il aurait ainsi évité de gâcher son existence entre Neuilly,la Place des Vosges,Deauville et Saint-Trop.Mais c'est pas tout,car Kaminsky a aussi épousé une iranienne afin qu'elle puisse rester en France!Oui,l'Iran c'est pas bien par contre,c'est pas comme Cuba,et même l'hexagone est préférable à Téhéran.Au-delà de ces passionnantes considérations géopolitiques,on apprend en sus que la chasse,c'est mal.Kaminsky,contrairement aux usages, interdit sa propriété aux chasseurs du coin,car il aime trop les animaux.Enfin,ça dépend,car il tolère les pêcheurs.Pourtant,c'est pas terrible pour les poissons,cette affaire.On leur plante un hameçon dans la gueule,on les asphyxie en les sortant de leur milieu naturel,et on les finit à la poêle,mais bon c'est comme ça,il y a les mauvais chasseurs et les bons pêcheurs.C'est le credo du bobo parisien,on déteste la chasse,la corrida,et même la boucherie-charcuterie maintenant,mais le fish on s'en fiche.Faut dire que ça choque moins leur petite sensibilité.Le poisson,c'est plus petit,c'est muet,et puis ça saigne pas énormément.Un peu comme la France d'en-bas en somme.D'ailleurs,il a raison,Kaminsky,on verra à la fin que ces chasseurs sont de vrais fumiers.Ah,ce que c'est agréable,une bonne leçon de morale,on se sent tout de suite meilleur!Pour ce qui est du casting,Lelouch a tablé sur du lourd en confiant le premier rôle à Johnny Hallyday.Notre Jojo national ,formidable chanteur,a toujours joué comme un sabot mais sa notoriété attire immanquablement des spectateurs,surtout quand on lui adjoint son vieux pote Eddy Mitchell.Hélas,l'interprétation est d'une nullité à peine imaginable.On a l'impression que Lelouch a soigneusement sélectionné les scènes ratées destinées au bêtisier du DVD pour les coller dans le montage final.S'ensuit un florilège de guignolades hallucinantes s'apparentant plus à une partie de Taboo qu'à de l'art dramatique, remporté haut-la-main par la pauvre Valérie Kaprisky et son accent espagnol de pacotille.Seuls Sandrine Bonnaire,sobre et intense,et cette vieille crapule d'Eddy,impérial et très drôle dans la tourmente,se sortent indemnes de cette sinistre aventure.Et Johnny,dans tout ça?Eh bien,il est pathétique,un pur désastre.Articulant comme un paralysé facial privé de rééducation,il joue atrocement faux.Faut avouer aussi qu'il n'est pas en forme.La mort est déjà manifestement à l'oeuvre dans ses traits creusés.Il a 71 ans à l'époque mais parait le double,et il aura meilleure mine trois ans plus tard dans son cercueil.Ne surnagent dans cette salade décomposée que quelques séquences éparses qui parviennent à atteindre une certaine émotion.Un face-à-face tendre entre Irène Jacob et Hallyday,ou cette scène lors de laquelle Johnny et Eddy regardent "Rio Bravo" à la télé et reprennent ensemble la chanson interprétée par Dean Martin et Ricky Nelson sur l'écran.Et de magnifiques vues de la montagne,mais pour ça un documentaire aurait suffi.