Ce film est réjouissant à plus d’un titre : il propose un univers original, habité par une intrigue riche en rebondissements et en niveaux de lecture, le tout soutenu par un casting étincelant. Le réalisateur Drew Goddard n’a pas son pareil pour cultiver le mystère : après avoir travaillé comme scénariste sur la série Lost, les films Cloverfield ou encore Seul sur Mars, on l’a également remarqué dans sa première réalisation, La cabane dans les bois, où il questionnait la fabrication et la culture du sentiment de peur, déconstruisant littéralement le genre du cinéma horrifique. Dans El Royale, il poursuit ce questionnement sur la mise en scène et le pouvoir des images en jouant perpétuellement avec les points de vue et les situations de mises en abîme. Tel le spectateur découvrant les différents pans de l’intrigue, les personnages du film réalisent qu’ils sont également manipulés et trompés par les apparences ou le décor. La mise en place du film est virtuose, parsemée de plans-séquence et de très bonnes idées de mise en scène, dévoilant l’intrigue tel un rubik’s cube. Composées des plus grands tubes soul de la Motown, la délicieuse bande-originale est un support essentiel à la construction de plusieurs scènes. En plus d’être un habile scénariste, Drew Goddard prouve donc qu’il est aussi un réalisateur accompli. Malheureusement, le troisième acte n’est pas à la hauteur de cette brillante mise en place : le scénario devient moins rigoureux, répétitif et se conclut par un vulgaire jeu de massacre « à la Tarantino » un peu vain. Cette fin anecdotique part pourtant d’une bonne intention : en plongeant ses personnages, tous archétypaux de grandes figures de la société américaine, dans un hôtel autrefois glorieux mais devenant le théâtre d’un sordide carnage, Drew Goddard tente une métaphore de la violence propre à la construction du rêve américain. Une idée ambitieuse mais pas suffisamment aboutie, empêchant ainsi l’entreprise El Royale d’être complètement couronnée de succès.