Salesman se veut une approche plus réaliste à travers le parcours de ces quatre vendeurs de Bible qui font du porte-à-porte pour convaincre les gens de débourser les 50 dollars nécessaires à son acquisition. Durant deux mois, les frères Maysle et Charlotte Zwerin, qui feront plus tard un autre documentaire formidable sur les Stones, Gimme Shelter, les suivent, sans aucune intervention, mais dans une approche plus globale grâce à une seconde caméra, qu'on voit rapidement dans certains plans, et que démarcher des gens de classe moyenne, voire pauvre, ça n'est pas facile.
Rappelons-nous qu'en 1969, le salaire moyen annuel américain n'était que quelques milliers de dollars, donc remettons-nous dans le contexte de l'époque et oui, 50 dollars pour un livre, aussi sacré soit-il, c'est une somme que peu de personnes pouvaient se le permettre. On voit chacun de ces quatre vendeurs, coachés par un patron particulièrement agressif lors de leurs réunions, taper à la porte de personnes situées soit dans le Massachusetts, soit en Floride, et essuyer des refus polis la plupart du temps. On voit bien leur argumentaire très détaillé à base de le livre le plus vendu au monde, la beauté du livre (qui est illustré et effectivement de fort belle facture), la proposition de plusieurs facilités de paiement (du comptant au crédit, 1 dollar par semaine), jusqu'à être un peu plus rentre-dedans lorsque la personne en question hésite, au point que c'en est gênant, pour nous spectateurs.
Les trois réalisateurs arrivent à choper le naturel de ces vendeurs, dont on discerne en particulier celui surnommé The bull, qui a bagout certain pour réussir ses ventes, mais aussi The badger, un homme plutôt âgé qui semble être peu convaincu par ce qu'il vend, jusqu'à proposer un argumentaire en mode automatique, et c'est avec lui qu'on voit une séquence citée plus haut, à savoir qu'il pousse une femme à l'achat d'une Bible, et que celle-ci hésite, jusqu'à renoncer, de peur du lendemain. Et là, on a un plan génial sur ce vendeur, qui semble comme résigné, déçu d'avoir échoué si près du but.
Ensuite, on suit deux des vendeurs chez une autre famille, avec The badger qui est en retrait, et qui semble comme absent, jaloux de la vente que fait son compère, sur fond de Yesterday en version instrumentale.
Le documentaire, nommé comme cinéma-vérité, avec une très belle image en noir et blanc, est vraiment excellent du fait de la discrétion des réalisateurs, et de ce que ça raconte en filigrane sur la difficulté des foyers américains de finir leurs mois, et qu'aussi important soit la religion catholique, par extension la Bible, il y a d'autres priorités.
A noter que Salesman a surtout été mis en avant par Criterion, en 2004 puis dans sa version Blu-ray en 2020, et que le film a bénéficié d'une restauration en 2017, financée par la fondation d'un certain ... George Lucas !