Interpellé rétrospectivement sur la situation explosive en Indonésie dans le courant de l'année 1965 avec "L'année de tous les dangers" (1982)...
Confronté brutalement au chaos idéologico-politique dans lequel a plongé le Nicaragua avec "Under fire" (1983)...
Projeté au coeur de l'effroyable génocide qui, à partir de 1975 et pour beaucoup trop longtemps, a fait du Cambodge un véritable pays-martyr avec "La Déchirure" (1984)...
Le public des années 80 a ainsi été invité à intégrer une nouvelle catégorie de héros - le journaliste correspondant de guerre - dans ces endroits du globe dits pudiquement "points chauds". En clair, partout où la démocratie est niée et les Droits de l'Homme bafoués !
De ce point de vue, c'est horrifié au-delà de l'exprimable que l'on visionne ce film, dont le titre, hélas, se suffit à lui-même.
Comme ses prédécesseurs, Oliver Stone utilise un personnage de journaliste baroudeur pour mieux montrer un contexte guerrier qui relève de l'abomination. Dans les pas de Richard Boyle, qui existe et qui a d'ailleurs collaboré au film, on plonge très vite dans l'enfer salvadorien de cette époque. D'un côté, un régime déconsidéré ne gouvernant plus qu'au moyen d'une ignoble répression et grâce à l'aide américaine consentie au nom de la bataille idéologique. De l'autre, une guérilla paysanne aussi impitoyable, présentée comme un bastion communiste aux portes mêmes des Etats-Unis.
Et entre les deux, au milieu d'une frénésie sanguinaire montrée avec un réalisme éprouvant, des têtes brûlées de la presse mondiale qui jouent leur périlleux rôle de "témoins". En trichant plus ou moins avec eux-mêmes, mais pas avec le danger. En effet, c'est à travers l'oeil de la caméra qui les suit pas à pas que l'on vit tout le film près de l'horreur : fusillades ; exécutions sommaires ; dérapages liés à l'insécurité obesssionnelle. En visualisant au passage les épisodes les plus ignominieux et hélas authentiques qui ont fait du Salvador "l'Etat sauvage" de l'Amérique centrale : le charnier des victimes des fameux Escadrons de la Mort à El Playa ; le révoltant meurtre du cardinal Romero en plein prêche contre la répression ; le viol-massacre de quatre religieuses américaines...
Plus que les acteurs très convaincants (James Woods et John Savage en tête), c'est avant tout la succession de situations paroxysmiques qui frappent comme un coup de poing, du fait du parti pris de mise en scène.
Avec le très sociétal et engagé Oliver Stone, il faut mal orthographier : pas filmo, mais filmaux !
Comme s'en est beaucoup servi pour faire sa pub un célèbre hebdo français : le poids des mots, certes, mais surtout le choc des images !