Samsara
7.9
Samsara

Documentaire de Ron Fricke (2011)

Ron Fricke a connu son heure de gloire en 1992 avec Baraka, film documentaire sans parole sur les beautés et les désastres de notre monde. Il avait réalisé avant, sur un même principe, Cronos (1985), qui lui-même s’inspirait du célèbre Koyaanisqatsi (1983) de Godfrey Reggio (dont Philip Glass composa la musique) sur lequel Fricke avait d’ailleurs été scénariste, monteur et directeur de la photographie. Avec Samsara, Fricke boucle ainsi une trilogie commencée il y a presque trente ans, et toujours inspiré du modèle fondateur de Koyaanisqatsi, premier segment d’une autre trilogie complétée par Powaqqatsi en 1988 et Naqoyqatsi en 2002.

À sa sortie, Baraka fit forte impression, considéré aujourd’hui encore comme une œuvre culte dont Samsara serait une suite directe, une version 2012 remise au goût du jour, reloaded. Sauf qu’entre-temps, Yann Arthus-Bertrand, Nicolas Hulot, Jacques Perrin et consorts (et même Tarsem Singh avec The fall) sont passés par là avec pour conséquence, entre autres, la banalisation d’un message écolo-neuneu aux vertus altermondialistes et politiquement correctes. Samsara a l’unique défaut de ne plus rien inventer, de ne plus proposer quelque chose d’original et de moderne, comme un décalque simplement parfait, scène après scène, de Baraka.

S’il parvient à offrir des images extraordinaires de notre humanité, laides et superbes à la fois, son discours a quelques airs de déjà-vu, celui d’un reportage du National Geographic basculant à peine dans le New Age (Baraka n’en était pas loin non plus). Au moins évite-t-il d’asséner, d’imposer des verbiages prémâchés, livrant le spectateur à ses propres réflexions et à ses propres interprétations. Samsara est plus probant quand il parvient à faire correspondre ses images et ses symboles, créant un lien sensible, une synergie invisible sur ce qui nous entoure, du plus beau d’une nature redécouverte au plus terrifiant de nos sociétés, déchirées entre splendeurs et décadences.

La partie sur l’humain, si elle reste impressionnante par ce qu’elle montre (et la façon dont elle le montre), enfonce des portes ouvertes sur nos multiples dérèglements : armes, surconsommation, pollution, pauvreté, démesure technologique… La question sur nos dérives alimentaires n’est pas sans rappeler celle dans Baraka (la scène des poussins) et évoque, pour les connaisseurs, le glaçant Earthlings, documentaire ultra-traumatisant sur la condition animale et son exploitation génocidaire par l’homme (le film se regarde la peur au ventre et l’estomac noué, les larmes aux yeux et le cœur au bord des lèvres).

De la Namibie à Pétra, du Mont Saint-Michel aux highways de Los Angeles, du mur des Lamentations au mont Nemrud en Turquie, du parc de Yosemite aux temples de Pagan en Birmanie (Fricke a même intégré une séquence montrant l’artiste Olivier de Sagazan en plein happening saisissant), Samsara voyage, flâne, circule, se hasarde et dévoile un ensemble de scènes sublimes tels la patiente et minutieuse élaboration d’un mandala, le survol de Palm Jumeirah à Dubaï ou celle, hallucinante (et davantage que celle dans Baraka), du hajj à la Masjid al-Haram de La Mecque. Méditatif et réflexif, Samsara sait éblouir nos yeux et inspirer nos consciences, périple vagabond plus grisant et plus surprenant encore s’il se laisse découvrir sur un grand écran.
mymp
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Top 2013

Créée

le 24 déc. 2012

Critique lue 633 fois

7 j'aime

mymp

Écrit par

Critique lue 633 fois

7

D'autres avis sur Samsara

Samsara
Anyo
10

Permanence de l'éphémère

L'immersion totale que procure le format 70mm combinée aux prises de vues dantesques de Ron Fricke donnent le tournis. "Samsara" redonne au cinéma son sens initial, un fabuleux spectacle d'images et...

Par

le 29 mars 2013

48 j'aime

3

Samsara
Krokodebil
8

Merveilleuses constructions de l'impalpable

Difficile de revenir sur Samsara après l'avoir vu. Les milliers de plans qui défilent, la variété des objets filmés, la rapidité d'enchaînement des images et l'aspect massif de l'oeuvre sont autant...

le 28 mars 2013

36 j'aime

3

Samsara
Deleuze
9

Vingt mille lieues sur la Terre

Samsara de Ron Fricke est une longue poésie, un tableau vivant de la Terre. L’idée de passer une centaine de minutes en face d’une œuvre non verbale peut sans aucun doutes en rebuter plus d’un mais...

le 6 juin 2013

21 j'aime

13

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

182 j'aime

3

Gravity
mymp
4

En quête d'(h)auteur

Un jour c’est promis, j’arrêterai de me faire avoir par ces films ultra attendus qui vous promettent du rêve pour finalement vous ramener plus bas que terre. Il ne s’agit pas ici de nier ou de...

Par

le 19 oct. 2013

180 j'aime

43

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

162 j'aime

25