Il fallait bien un jour commencer à découvrir l’œuvre monumentale de Cecil B. DeMille, l’un des réalisateurs les plus importants de la première moitié du XXe siècle et maître incontesté de la fresque épique. Afin de joindre l’utile à l’agréable, mon choix s’est porté sur « Samson et Dalila », un technicolor de 1949 (dont le sujet est assez clair), pour la présence au casting de la belle Hedy Lamarr.
Alors que les juifs de Judée sont sous le joug des philistins, Samson, un jeune berger à la force extraordinaire, souhaite, contre l’avis de ses parents, épouser une femme philistine, Semadar. Celle-ci est courtisée par un guerrier, Ahtur, qui veut l’impressionner lors d’une chasse au lion. Egalement sensible aux charmes du beau Samson, la sœur cadette de Semadar, Dalila, lui propose de l’y amener elle-même, et ils devancent la troupe de chasse, menée par le chef des philistins lui-même.
Samson tue le lion à mains nues et obtient du prince l’autorisation d’épouser la femme de son choix. Ignorant la belle Dalila, qui s’est jetée à son cou quelques instants plus tôt, Samson demande à épouser Semadar. Les noces ont lieu sous peu, mais virent au cauchemar suite à une énigme peu inspirée. Devant les corps de sa sœur, de son père, et les ruines de sa demeure, Dalila jure de se venger de Samson…
Du récit biblique de l’histoire de Samson et Dalila, Cecil B. DeMille tire une fresque épique de plus de deux heures. Le film se pare de décors, naturels et de studio, somptueux, mis en valeur par un technicolor chatoyant. Dans la droite lignée des premiers films en couleur, telles « Les Aventures de Robin des Bois », le film joue sur les contrastes de couleur et offre aux personnages une profusion de costumes plus élaborés et colorés les uns que les autres. C’est évidemment Hedy Lamarr (et, corollaire, le spectateur) qui en bénéficie le plus, arborant plus d’une dizaine de tenues différentes au cours du film.
Une belle coquille vide n’a jamais fait un bon film, mais, heureusement, outre sa plastique agréable, le péplum de DeMille s’en tire très honorablement dans sa reconstitution du mythe.
À la base, les films historiques et/ou bibliques ne m’attirent pas spécialement. Néanmoins, j’ai trouvé un certain intérêt ici dans la manière de traiter cette histoire. Le film bénéficie premièrement d’un bon rythme et d’un bon enchaînement des scènes. Il n’y a pas de longueurs, et malgré la durée importante du métrage, l’on ne s’ennuie pas. DeMille trouve également un bon équilibre entre scènes d’action violentes (voire, très violentes, j’en étais surpris…) et explosives, et moments plus calmes.
Par ailleurs, le tout est toujours très bien filmé.
L’un des intérêts majeurs du film est, à mon sens, le traitement des personnages. En effet, on échappe ici à un manichéisme qui aurait pu être de mise. À l’opposé, ici, Samson et Dalila sont deux personnages complexes et intéressants, loin d’être parfaits. L’un est violent et impulsif, se laissant bien trop souvent gouverner par ses passions. L’autre est égoïste, manipulatrice, implacable… mais avant tout amoureuse.
Pour incarner ces deux figures, les acteurs retenus sont Victor Mature, une espèce de colosse tout en muscles et en colère contenue, qui dégage une véritable impression de puissance et de sérénité, et Hedy Lamarr pour jouer Dalila – une vraie bonne idée. Si elle a le charme et la beauté nécessaires à rendre crédible son personnage de séductrice irrésistible, Lamarr livre ici une prestation d’actrice tout à fait convenable, prouvant qu’à défaut d’être une grande, ce n’est pas qu’un joli minois (il convient de rendre justice à l’actrice, qui, outre son physique parfait, avait la tête bien faite, et a déposé un brevet avec son voisin pendant la seconde guerre mondiale, d’un procédé de transmission d’ondes radio).
Avec « Samson et Dalila », qui fut le plus grand succès de l’année 1949, Cecil B. DeMille nous propose l’un de ses péplums aux proportions épiques et aux armées de figurants. Tout sacrifie à un souci du grandiose et de l’épique : décors pharaoniques, costumes élaborés aux couleurs vives, etc. Sans être ennuyeux ni pompeux, le film constitue un agréable divertissement.
Une question demeure cependant en suspens, un élément qui pourra nuire à la crédibilité du film : comment diable DeMille a-t-il pu croire un instant que l’on puisse envisager préférer Angela Lansbury à Hedy Lamarr ?