Samurai Reincarnation par Supavince
Au début des années 80, le cinéma japonais n’est pas au mieux. La qualité visuelle des films s’en fait même ressentir, jusqu’à avoir l’impression de regarder des films issus de la télé plutôt que de l’industrie cinématographique. Ce qui malgré tout n’empêche pas certains grands réalisateurs nippons tels qu’Akira Kurosawa ou Hideo Gosha de signer quelques uns de leurs plus beaux succès comme Kagemusha, Ran pour l’un ou encore Dans l’ombre du loup ou Yokhiro pour l’autre.
Kinji Fukasaku, lui, s’est aventuré dans un style plutôt différent de ce qu’il avait l’habitude de faire, à l’instar des Yakuza Eiga, se rapprochant des productions TV Tokusatsus à commencer par l’adaptation ciné de San Ku Kaï, Les Evadés de l’Espace ou encore en réalisant du bis un peu simpliste sur les bords qu’est La Légende des Huit Samouraïs. Samurai Reincarnation, c’est un peu ça et son contraire à la fois. Tout d’abord, Fukasaku a su réunir un casting des plus alléchant. Sonny Chiba (qu’on ne présente plus), Hiroyuki Sanada (lui non plus, sa carrière s’étant étendue internationalement), Ken Ogata (acteur de grande classe inoubliable dans L’Eté du Démon) Tomisaburo Wakayama (frère de Shintaro Katsu et figure emblématique de la série des Baby Cart) et la montagne sacrée Tetsuro Tamba en guest star. Que du beau monde pour étoffer une histoire à la fois prenante et riche en personnages emblématiques du Japon féodal.
Samurai Reincarnation part d’un événement historique, le rébellion de Shimabara, où des milliers de paysans japonais convertis au christianisme furent massacrés par le shogunat en place, celui des Tokugawa. La scène d’introduction, plutôt réussie, nous montre un champ de bataille sur fond de ciel mauve, un véritable enfer ou gisent des corps mutilés, tranchés et des têtes décapitées embrochées sur des lances ou bien à même le sol, dont celle du leader de cette rébellion, Amakusa Shirô, qui grâce à des forces démoniaques, recouvre la vie. Ce dernier jure de se venger et va se constituer une équipe pour assouvir sa vengeance en ressuscitant des guerriers légendaires comme Miyamoto Musashi, le moine Inshun d’Hozoin, Tajima Yagyû (le père de Jûbei), Gracia Hosokawa, et un jeune ninja du clan Iga, Kirimaru. Je pourrais passer un certain temps à vous introduire tous ces personnages mais il est tellement captivant de se plonger dans l’univers de chacun d’eux que je vous laisse ce plaisir d’investigation.
Shirô Amakusa (interprété par Kenji Sawada), est un personnage ultra charismatique avec son costume européen et son teint de peau bleuté. Sa folie meurtrière et vengeresse trouvera sur son chemin Jûbei Yagyû, interprété par Sonny Chiba. Et là, une question se pose. Quel est le plus charismatique des deux personnages ? Celui d’Amakusa ou bien celui de Jûbei Yagyû ? Car Sonny Chiba en impose également par son style en guerrier borgne, cheveux en chignon relevé vers le haut, en tenue de ninja tout de noir vêtu, et même entièrement tatoué d’inscriptions sanscrites sur tout le corps pour affronter son opposant lors de la scène finale.
Samurai Reincarnation est un film ou l’action, bien que présente et de qualité, n’est pas forcément l’atout majeur du métrage. C’est surtout son ambiance très particulière, sombre, posée et fun à la fois dans un style très manga qui nous tape dans l’œil. Les relations entre les personnages sont vraiment passionnantes et viennent enrichir le récit. Les effets spéciaux parfois cheap et kitsch, mais réalisés avec convictions (et aussi avec les moyens de l’époque), ajoute sans conteste un charme unique au film de Fukasaku, et le rendent visuellement époustouflant.
Samurai Reincarnation ravira les amateurs férus d’histoires du Japon féodal, de manga, voir même de jeux video car pour info, l’œuvre de Fukasaku a inspiré le mythique jeu des années 90, Samurai Shodown, qui nous émerveillait dans les salles d’arcade ou encore sur la console de salon Neo Geo pour ceux qui avaient la chance de la posséder.
Pour conclure, malgré sa durée un peu longue qui fait un peu défaut sur la qualité du rythme, ainsi qu’une scène finale qui nous laisse sur notre fin, Samurai Reincarnation nous plonge dans une atmosphère « So Nippone » que nous tombons forcément sous le charme.