Compliqué de parler de ce film.

Enfin non, pas tellement ; simplement, il s'agit d'un mauvais film.

L'intention derrière ce drame assez convenu, semble de nous émouvoir sur le parcours que traverse un homme qui ne cesse de chercher des moyens pour se mentir à lui-même. Au sujet de la vie ; puisque la mort finit toujours par tomber sur nous et sur ceux qui nous entourent surtout.

Le traitement me semble trop théâtral et manque clairement de matière. La substance générale du film est celle d'une fiction hors-sol qui ne filme pas l'environnement, ni véritablement ses sujets.

J'utilise le terme de théâtre, car on les voit jouer. Et c'est certainement bien plus plaisant de regarder quelqu'un faire du théâtre sur une scène de théâtre plutôt que de voir quelqu'un faire quelque chose qui n'a pas de sens pour nous qui regardons un film. Je précise "pas de sens" : lorsque l'on tourne un plan dit théâtre, on se prive de le vivre en vrai. Lorsque l'on joue quelque chose au théâtre que l'acteur est censé voir, mais que le spectateur ne voit pas, on se prive de le voir avec lui. La question est donc celle d'utiliser de la meilleure manière possible le médium que l'on a entre les mains. Ici, clairement, Andrew Haigh, ne s'intéresse pas spécialement à l'émotion particulière que peut provoquer l'image animée au spectateur. Non, il s'intéresse principalement aux pleurs, aux phrases toutes faites, à l'écriture d'un roman intérieur qui ne concerne pas l'image. Donc il y a un film qui est tourné qui donne un ensemble qu'Andrew Haigh ne semble pas comprendre lui-même. Il ne se rend pas compte que ce que le spectateur verra, ce sera davantage Paul Mescal plutôt qu'Harry. Alors que le propos n'étant pas méta, l'émotion s'en trouve artificielle. Voilà de ce qu'il en est du blabla dont je me trouve contraint de déblatérer.

Pour aller plus en profondeur.

Le sujet de la romance me semble être une projection futile de nos projets narcissique. Être aimé pour ce que l'on est, blablabla, vivre notre amour, etc.

Je vous renvoie à ce que Zappa disait des chansons d'amour :

" Je pense que les gens qui chantent des chansons qui traitent de sujet comme celui de l'amour écrivent des chansons pour les programmateurs de radio. Ces gens ne savent rien à rien. Je pense que c'est très mal de la part des gens de rendre publics leurs sentiments. Les artistes émotionnels, c'est de la merde. Et je pense que si les gens qui se promènent en chantant des chansons d'amour ressentaient véritablement quoi que ce soit, ils fermeraient leurs gueules. Je ne peux rien faire pour vous si vous aimez ce genre de musique. Et si vous croyez que l'émotion est en cause... Vous savez, ce n'est pas parce que quelqu'un joue une certaine note aigue qu'il s'agit d'émotion. C'est mécanique et vous tombez dedans, en compagnie de vingt millions d'autres. D'abord, ce qu'on comprend comme une émotion fait partie de notre conditionnement. Cela fait partie de ce que des gens vous ont dit qu'une émotion devait être : à quoi elle devait ressembler, comment elle devait sonner, sentir, agir. Mais vous ne connaissez même pas votre cul."

Bon, je n'ai rien à ajouter de plus concernant la romance.

Après, on pourra toujours défendre le film avec le fait que ça n'est pas une pure romance, qu'il y a quelque chose en plus. Effectivement, il y a aussi le côté rapport à la vie et à la mort.

Je trouve ce sujet abordé avec beaucoup de confusion, avec très peu d'axes lisible. On est toujours en train de suivre un chemin stylistique plutôt qu'un chemin substantiel. Autrement dit, ça parle, ça parle ; mais ça ne raconte rien. Bien sûr, toutes joli monté et filmé. Maintenant, ça n'a pas de valeur claire puisque si l'on regarde le film pour ce qui l'est, on est plongé dans une construction artificielle d'un vrai-faux rêve. Un vrai-faux rêve, au sens qu'il n'a rien d'un rêve, mais en même temps, ce sera le meilleur qualificatif pour expliquer pourquoi le film est confus.

Pour conclure,

le style du film est banal, sans relief et lécher. Le fond est futile et si tenté que l'on s'intéresse aux émotions (et non pas à sa propre image que l'on aime projeter sur les autres), rien de ce qui est filmé n'est touchant.

Bienvenue dans le libéralisme de l'homme désincarné.

Je vous invite à lire Le Moche de Mayenburg. Qui est une super pièce, décrivant ce que sont les gens pouvant produire ou aimer sincèrement des films comme, Sans jamais nous connaître.


P.S : ils ont sorti ce film un 14 février. Cela constituant un red flag évident. Que c'est drôle.

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le 15 févr. 2024

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