(! La frontière entre le spoil et le non-spoil étant mince et complètement subjective, je m'en affranchis et t'invite, dans le doute, à ne pas lire ce qui suit si comme moi, ne pas trop en savoir sur un film contribue grandement au plaisir de son visionnage.)
Quelle plaie, ce moment où tu ressors du cinéma, encore tout remué par ce que tu viens de prendre en pleine face, en plein cœur. L'étouffante moiteur parisienne de ce mois de juillet ne rend que plus détestable encore ce retour à la réalité.
Tarantinesque. Passant outre l'adjectif éculé plaqué en gros sur une affiche sans grand attrait et plus qu'intriguée par sa B.A. enlevée, je me suis immergée dans cette histoire de mafia coréenne. *Parenthèse : N'étant que très peu sensible au cinéma de Tarantino, je déplore que dès qu'un film associe vaguement histoire de vengeance/violence crue en full frontal/piques comiques, on lui colle cette étiquette tarantinesque, comme une sorte de label. C'est fort dommage, le film étiqueté ici se distinguant nettement par une profondeur dans l'écriture de la relation qui unit les deux personnages principaux, profondeur qui fait défaut, à mon sens, aux films de Tarantino teintés d'une grossièreté assez crasse.*
Quasi néophyte en ce qui concerne le cinéma asiatique, que j'ai injustement boudé pendant trop longtemps, mon exploration du cinéma coréen se poursuit avec bonheur grâce à Sans pitié, petit bijou qui offre bien plus qu'un film policier lambda. Des films coréens que j'ai pu voir (et toujours grandement apprécier jusqu'ici, un sans faute), je note une générosité indéniable : le tragique, les scènes grandiloquentes, le gore, côtoient le comique avec un talent certain, donnant des films atypiques et franchement rafraichissants dans le paysage cinématographique actuel. J'en ressors avec le sentiment que les cinéastes coréens prennent le meilleur un peu partout, mélangent les genres...à l'image du brillant polar Memories of murder (que je vais d'ailleurs pouvoir revoir sur grand écran puisque de nouveau en salle en version restaurée!), ou des récents Dernier train pour Busan, Mademoiselle et Tunnel pour ne citer qu'eux.
Sans Pitié continue sur cette lancée, et offre deux heures rythmées entre électro clinquante sur fond de club douteux et envolées de violons lacrymogènes à l'instar de ce plan montrant une larme coulant sur la joue du protagoniste. Je pense également à la scène - qui sera d'ailleurs répétée une seconde fois dans un tout autre contexte - où Hyun-soo s'écroule de douleur lorsqu'on lui apprend une nouvelle particulièrement difficile à encaisser.
Généreux, appuyé, excessif, oui un peu. Ce pathos fera grincer des dents bon nombre de spectateur, mais qu'importe. Que ce soit dans le dernier film de Hong Sang-soo (Le Jour d'après), un thriller horrifique zombiesque ou dans Sans pitié, j'y vois une petite marque de fabrique coréenne qui fonctionne, et qu'il me plait de retrouver.
J'ai été hypnotisée par le charme du duo d'acteurs et leur troublante amitié. Un scénario efficace, ainsi que de superbes plans nocturnes où l'action semble suspendue ont achevé de me faire passer une pause délicieuse, hors du temps présent et de la fournaise estivale.
Il y aurait beaucoup à dire sur ce film. Je n'écris que rarement des avis, ici à chaud, mais je tenais à laisser quelques mots sur mon ressenti, et ne doute pas que des critiques chevronnés seront plus à même d'aller dans le détail.