Bordel, que j'aime les films de gangsters!
Bizarrement, mon affection pour les films de ce genre que je considère comme des réussites commence quasiment toujours par un point très esthétique : la dégaine des gars qu'on nous présente. De la sobriété classieuse des mafieux de Goodfellas à l'opulence outrancière de ceux du Godfather, je les aime ces bad guys avec leurs costards criards, leurs répliques qui font mouche, leur sourire en coin permanent, comme s'ils disaient intérieurement à leurs interlocuteurs : "toi, j'vais t'enculer" ("j'vais t'enculer et tu jouiras" hum hum pardon je m'égare).
Et croyez-moi, ce point particulier et tellement futile à la fois m'a conquis assez rapidement dans Sans Pitié.
Sachez que je n'avais jamais entendu le nom de Byun Sung-Hyun avant de voir la BA de ce film. Troisième oeuvre pour ce réal indonésien après une rom-com et un film sur le hip-hop. Bref, c'est pas que je suis pas chaud, mais aucune séance de rattrapage ne fut programmée pour connaitre un peu plus le type, ce qui m'a permis d'un autre côté d'aborder ce film sans aucun a priori.
La seule chose qui me titillait? Cet énorme TARANTINESQUE inscrit sur l'affiche au dessus du logo de Cannes.
Parce que bon les gars, si on met dit Quentin Tarantino et qu'on rajoute "film de gangsters" derrière, il y a de quoi sourire en voyant le travail minimum à accomplir pour arriver à la cheville de Reservoir Dogs ou, puisque c'est celui-ci qui est visé par ce slogan putaclik, Pulp Fiction.
Et comme prévu, ou redouté, de Pulp Fiction il n'y eut point.
Dans le choix d'opter pour une narration non-linéaire ponctuée de twists à faire frémir un critique des Cahiers du Cinéma, il y a, à n'en pas douter une inspiration Tarantinienne (on continue avec les Taranti... c'est pas mal en fait). Mais, c'est plutôt du côté des Infiltrés que lorgne Sans Pitié. Même un autre classique coréen, A Bittersweet Life, adopte une approche radicalement différente, preuve que le cinéma asiatique sait se renouveler dans des genres qu'il affectionne tout particulièrement.
En effet, si A Bittersweet Life nous dressait le portrait de gangsters bien plus sombres et introspectifs, Sans Pitié fait lui dans le cassage de gueule movie complètement assumé.
La performance tient pour cela en plusieurs facteurs. Des acteurs inspirés avec une mention évidente pour les deux personnages principaux de l'histoire. Avec eux, Byun Sung-Hyun navigue avec une sérénité maîtrisée de la bromance parodique aux passages sensei/élève. Il remplit bien sûr le cahier des charges du thriller sud-coréen, avec des moments dramatiques de vengeance sombre qui vont trop loin dans le déferlement de violence pour les cinéphiles européens que nous sommes, bien trop habitués à voir du gentil Luc Besson au détriment de J'ai Recontré le Diable, Old Boy et autres dingueries. Comme un sage ami me l'a un jour très justement fait remarquer : "chez eux, aux réunions de scénaristes, ya pas le mec qui dit, naaan Park Jun, tu vas trop loin là". Et j'ai envie de vous dire, c'est tant mieux.
Conscients de leur taux de mortalité avant 40 ans relativement élevé, comme l'en atteste l'un des personnages au détour d'une réplique, ils n'en sont que plus convaincants avec leur objectif ultime de prendre le contrôle de leur clan.
Seulement, comme dit précédemment, des twists, il y en a pas mal et donc tout ne se passe évidemment pas tranquillement. Cette guerre interne racontée à coups de flashbacks gagne par ce procédé en originalité et en intérêt puisque à la manière des Infiltrés, les personnages naviguent en eaux troubles et gagnent en profondeur.
On soulignera également le travail effectué sur les dialogues. Je ne comprends pas un mot de coréen mais si les répliques sont parfaitement traduites, alors de la punchline il y a, des anecdotes croustillantes aussi et même si la confusion des noms des protagonistes est constante, tous ont leur trait particulier qui les rend réussis et convaincants.
Décidément, cet été était celui des gangsters cools. Après Baby Driver, c'est encore un vent de fraîcheur qui souffle ici. Ces traits d'humour ou de what the fuck (la pub pour la blanchisserie d'argent en tête) que les nouveaux réalisateurs de films de gangsters n'hésitent plus désormais à assumer nous gratifient de plus en plus de scènes de pure classe que l'on retrouve chez les plus grands, tout en cassant les codes par leur originalité.
Et surtout, ne manquent pas de me faire m'exclamer à chaque fois : "bordel, que j'aime les films de gangsters"!