La cérémonie des lascards
Issa sort de quelques mois de cabane. Son père est vénère. Conseil de famille: c'est décidé, cette connerie de trop lui coûtera un retour à Abidjan, où il apprendra à se rendre utile. Issa, la vingtaine, se fait tout petit. Il accepte, à la condition que son daron lui laisse une dernière soirée pour fêter son départ avec ses potes, qu'il filme avec une petite caméra. La caméra qui sert, pour le spectateur, de porte d'entrée dans le quartier et dans la bande.
Des petites frappes. Des jeunes qui se font chier, s'engueulent pour une PS3 pas payée rubis sur l'ongle... Rien de bien méchant. Certains sont même suffisamment dévoués pour porter les courses d'une femme enceinte. On se vanne, on raconte des conneries (formidable scène avec un imam en colère et beurré). Les petits gars deviennent sympathiques, même si on les sent un peu tendu (l'un d'eux cherche à acheter un flingue mais se fait rembarrer méchamment par un grand frère).
Flash-forward. Paris. En virée, les jeunes changent. Exit Issa, exit Coco... ll ne reste que le groupe et sa logique de surenchère. La choure dans les épiceries, la drague franchement reloue... passe encore. Mais la balade vire rapidement au concours de conneries. Une nana se fait draguer par le plus vieux ; le troupeau débarque, la serre, l'insulte, la tripote et lui pique son sac. Et le processus se reproduit à l'infini: cinq mecs déboulent sur une nénette seule, et la dépouille. Les petits gars qui semblaient sympathiques sont en fait des abrutis, lâches et übermysogines ("t'es ma vache", explique Issa à sa copine). Le groupe produit une surenchère de méchanceté et de déshumanisation, notamment lorsqu'un clodo défoncé à le malheur de venir leur expliquer la vie.
"Sans pudeur ni moral" jette un regard cru, quasi documentaire. Sans jugement. Loin de la fable, façon "la Haine". Le spectateur se débrouillera donc pour faire le tri, condamner ou non ces garçons, interprétés par des acteurs amateurs, qui confesse volontiers avoir fait les conneries rapportées dans le film.