Quand Walter Hill rencontre John Boorman et Peter Fleischman...
Les bons survival, ça n'est pas évident à trouver. Pourquoi ? Depuis le début des années 70, la démocratisation de la violence au cinéma a été un coup d’envoi pour des tonnes de réalisateurs, avides de délivrer au spectateur des films de série B toujours plus violents les un que les autres. Les ersatz malheureux de Peckinpah et Boorman se sont donc rapidement multiplié. On en fait encore aujourd'hui les frais. Moins que dans les années 90, quand même. Ouf.
Je reviens à mes moutons : donc oui, Sans Retour est un bon survival. Walter Hill n'est pas un réalisateur dont on parle souvent, et j'en viendrais presque à dire qu'il est souvent plus retenu comme scénariste de la saga Alien que comme réalisateur, et ce même si le bonhomme a réalisé des films sympathiques.
La force de Sans Retour, c'est de ne pas être un film vain. Si l'héritage de Délivrance et compagnie se ressent, c'est un film qui existe véritablement, a son propre propos, et sa propre manière d'être. En 1981, c'est le témoignage d'une Amérique qui se remet encore du trauma du Viet-Nam. La qualité d'écriture de Sans Retour s'articule donc autour de deux axes : son propos sous-jacent, mais aussi tout simplement la qualité d'écriture de l'aspect survival. La peur, en somme. La peur de se faire flinguer par des péquenauds dégénérés, en plus.
Si la comparaison avec Délivrance se tient (ou plutôt l'influence...), j'ai aussi pensé à un autre film que j'ai vu il y a peu étant Scènes de Chasse en Bavière. La scène de Sans Retour dans le villages des péquenauds à l'ambiance aussi festive que malsaine m'a rappelé le final, similaire dans ce contraste (et la certaine gêne qu'il provoque) de Scènes de Chasse en Bavière. A croire qu'au plus profond des campagnes (et que ça soit le Bayou, les montagnes Américaines, ou la Bavière bien profonde), on a une tradition de l’ambiguïté dans ce qui est censé être festif.
Sur le plan de la réalisation, c'est très propre. Peut-être moins filmé en adéquation avec la nature que chez Boorman, Sans Retour se concentre davantage sur les hommes. Certains choix de découpage sont vraiment bien vus, pour privilégier les traitement mentaux de tel ou tel personnage, tant par rapport au groupe de soldats que par rapport aux dangereux autochtones. Puis il y a certains procédés de mise en scène plus atypiques qu'il est agréable de retrouver ici. On pourra toujours trouver une petite baisse de rythme vers les 3/4, mais rien d'excessivement significatif pour être trop dommageable sur le film entier. Mon seul regret est un choix de réalisation sur un plan bien précis, celui de la fameuse fusillade à blanc qui va tout déclencher. J'aurais aimé, d'une certaine manière, ressentir davantage la puissance de coup qui cèle le destin de nos personnages.
Sans Retour insistant sur le rapport à l'humain, il est nécessaire de pouvoir compter sur ses acteurs. De ce côté-là, l'escouade est fonctionnelle, tant niveau cast que niveau écriture des personnages. Powers Boothe, de par son physique et son jeu carré autant que mystérieux, sait faire naitre une certaine tension. Keith Carradine, moins, mais son personnage n'est pas pensé pour. C'est tout de même intéressant de retrouver l'acteur des Duellistes dedans, puisqu'il livre une prestation finalement complètement opposée.
La musique bénéficie des soins de Ry Cooder, guitariste légendaire. Si à nouveau, on ne peut parfois s'empêcher la comparaison avec les légendaires sonorités du banjo de Délivrance, Cooder intègre au film une identité musicale avec son univers du Bayou.
En somme, un survival que je conseille vivement, viscéral et puissant comme il faut, et un peu injustement oublié.