Pour Chris Marker, c'est l’exercice fictionnel d’un grand écart, entre le Japon et une toute petite part de l’Afrique, qui retrace les souvenirs artificiels d’un caméraman pour mieux en dégager des réflexions toutes philosophiques et aussi politiques, sur un monde habité par plusieurs mondes et plusieurs temps inconjugués. C’est aussi l’occasion pour lui de parler de cinéma avec des films faits (Vertigo) et à faire (Sans Soleil).
Pour le cinéma, c'est un film qui a quelque chose à dire sur la vérité du monde, une vérité profondément liée à la production des images, leur transmission et leur projection pour qu’elles rebondissent « à n’en plus finir ». Car si sans soleil, il n’y a pas de vie, sans images (à tout le moins), il n’y a pas de cinéma. Un travail aussi sur la mémoire dans lequel ce caméraman fictif ne manque pas de nous rappeler que celle-ci n’est pas réelle bien qu’étant perçue comme une réalité qui nous traverse. Elle n’est que reconstitution, et dès lors instrument, comme ce montage et cette voix-off, collés ensemble pour espérer faire passer son message d’un temps qui est partout en toute chose et, comme le soleil, il ne faut pas le croire acquis à nous.
Pour nous, perdus entre ce montage raffiné d’images d’ailleurs et cette voix-off lisant un texte pavé de fulgurantes subtilités et d’une poésie à l'os supposément issue de l’expérience, on se retrouve de notre côté de l’écran, sur le tard certes, à être un peu plus mis au monde. Un monde où la conjonction des temps est impossible mais sur lequel le soleil, symbole ancestral de la temporalité de nos journées, se lèvera quand même.
Je vous laisse une image plutôt mélancolique mais au fond de moi je suis heureux.