Faux carnet de voyage, essai épistolaire maladroit ou plus simplement documentaire boursouflé, Chris Marker multiplie ici à dessein les pistes pour le plaisir d'imaginer les boutonneux étudiants en esthétique (ou autre filière barbare) se masturber des années durant devant son montage et sa profondeur toute hypothétique.
Documentaire sur la mémoire, l'histoire, le temps, les traditions, l'après-guerre, le film est avant tout un prétexte pour railler gentiment l'esprit occidental notoirement obtus. En dehors de vagues tentatives pour se relier à l'Afrique par la Guinée-Bissau et le Cap-Vert, ainsi que quelques images balbutiantes venues d'Islande, le vrai sujet du film est le Japon en général et Tokyo en particulier.
Et finalement, c'est ce qui sauve le film. Si on oublie l'aveuglement idolâtre du réalisateur, les affirmations parfaitement gratuites, les rapprochements mal-venus, les effets faciles, les parallèles appuyés et répétitifs jusqu'à l'ennui, les lourdeurs sonores et l'incroyable prétention de l'ensemble, restent quelques délicieux moments qui ne peuvent qu'intriguer les amateurs de l'archipel du soleil levant.
Esthétiquement très inégal, le film n'est heureusement pas exempt de quelques fulgurances venues à point pour réveiller le spectateur un peu las, aussi, si vous avez la charité chrétienne de pardonner aux lourdeurs du projet, vous pouvez au final trouver ici un intérêt charmant.
Après, à moins d'être aveugle et sourd, intellectuellement déficient, chaton marseillais, tigre dubitatif ou teuton d'adoption, il est totalement impossible et injustifiable de mettre cet essai bancal dans votre top 10 films...