Sorti en 1983 et réalisé par Chris Marker, Sans Soleil est un film documentaire expérimental sur lequel il est difficile de mettre des mots. Il y a des effets de montages qui sont mis au service de certaines images qui vont imprégner votre rétine et il y a des scènes plus contemplatives commentées par la voix off (Florence Delay) qui vont s'intégrer dans une narration plus globale. Et au final, c'est à la fois une expérience émotionnelle, avec ce flot d'images et une expérience intellectuelle, en nous questionnant sur l'histoire, la politique et la mémoire.
Dans Sans Soleil, on voyage beaucoup à travers le monde, de l'Islande au Japon, en passant par l'Afrique et le film nous questionne sur l'histoire de ses contrées traversées. Et en parallèle, on suit des lettres adressées par une personne à quelqu'un d'autre et qui sont lues par Florence Delay. Ces lettres sont lues sur des images parfois tendres, parfois dures, avec des expérimentations visuelles et sonores qui peuvent parfois être déstabilisantes ou tout cas, qui nous interrogent.
Sans Soleil est un film assez étrange, comme toutes les autres œuvres de Chris Marker, qui est un artiste "touche à tout" et foisonnant d'idées toutes les plus étranges. C'est donc un film foisonnant d'images incongrues, offrant tant à interpréter pour qui a un minimum d'imagination. Et comme dans La Jetée, une autre œuvre ovni (et culte) de Chris Marker, il y a ce jeu du regard face caméra qui ravive l'attention du spectateur, au moment où il risquerait de décrocher.
Personnellement, j'ai abordé le film d'un point de vue strictement émotionnel. Au début du film, je me suis demandé "mais qu'est-ce qu'il veut nous raconter ?". Et puis très vite, je me suis laissé emporter par les images en acceptant de ne pas tout comprendre. On sent tout de même que ce qui intéresse le réalisateur, c'est voyager et découvrir différentes cultures, comme ici le Japon avec l'importance de la technologie ou l'Afrique avec la girafe tuée par des braconniers (une images très dure à supporter). Chris Marker cite également les films et les cinéastes qu'il admire, comme Alfred Hitchcock avec Vertigo, Francis Ford Coppola avec Apocalypse Now ou encore Andreï Tarkovski avec Stalker ... il ose même l'autocitation avec La Jetée (la boucle est bouclée).
Bref, Sans Soleil peut apparaître comme une œuvre somme de Chris Marker, dans laquelle il a voulu mettre tout ce qu'il avait à dire. C'est aussi, de mon point de vue, une œuvre essentiellement sensorielle, dans laquelle il ne faut pas essayer de trouver une réponse à chaque question. En cela, c'est un film un peu élitiste, ne s'adressant pas à tout le monde.