Le mois de décembre est là, le froid s’installe, les longues nuits sont éclairées par les innombrables illuminations qui ornent les vitrines, les arbres et les rues. Aucun doute, les fêtes approchent, les enfants trépignent d’impatience en vue d’un des moments les plus attendus de l’année : Noël. C’est aussi à cette période qu’Alain Chabat a choisi de sortir son nouveau film, Santa & Cie, son cinquième long-métrage en tant que réalisateur. Comme un signe de sagesse, il choisit ici de camper le rôle du Père Noël mais, attention, on parle bien du vrai. Et c’est à l’occasion d’une séance présentée par l’équipe elle-même à l’UGC Bercy que j’ai eu l’opportunité de découvrir Santa & Cie.
Les films de Noël, on les connaît. Devenus des éléments incontournables et majeurs de ce qui fait l’ « esprit de Noël », on se dit toujours à propos d’eux que c’est toujours la même chose, mais on a du mal à résister à l’envie de s’installer confortablement dans son canapé pour s’autoriser un retour en enfance le temps d’une séance. Santa & Cie est de ceux-ci, incarnant la même naïveté douce, baignant dans l’ambiance de Noël, mais qui, contrairement à beaucoup de comédies aujourd’hui, ne se repose pas sur un humour simple et gratuit pour chercher à faire un film qui certes, fait rire, mais fait aussi réfléchir le spectateur sur son quotidien.
Santa & Cie est avant tout une opposition de points de vue. D’un côté, le Père Noël, qui a toujours vécu dans son monde nocturne et enneigé, se retrouve confronté à notre réalité. De l’autre, les humains rencontrent ce personnage dont ils peinent à admettre qu’il s’agit bien du véritable Père Noël. Ainsi, l’irruption dans notre monde de ce dernier permet de confronter deux idées. La première est l’idée imaginaire et fantasmée chez les humains d’un Père Noël, symbole d’espoir et d’évasion dans notre quotidien, un personnage idéal dans un monde qui ne l’est pas. La seconde idée, celle du Père Noël à propos des humains, est celle d’un monde enchanté et heureux, tel qu’imaginé par celui-ci et à l’image du sien, alors qu’il est loin de l’être. En réalité, les humains et le Père Noël vivent dans des réalités qui coexistent, mais ne se croisent pas, et leur rencontre chamboule leur conception du monde, en suivant une démarche qui rappelle le Candide de Voltaire.
L’objectif du film est, certes, de faire partie intégrante de l’esprit de Noël dont il était question plus tôt, mais, surtout, d’inciter chacun à se remettre en question. Nous vivons dans une réalité qui ne nous plaît pas toujours, mais rien ne dit qu’elle est absolue et inéluctable. Nous avons tous été des enfants, mais ce n’est pas parce que nous n’en sommes plus que nous devons oublier d’être un peu candides pour être capables de voir le monde autrement et de relativiser. On pourrait se prendre à hausser les sourcils devant des passages très convenus et très stéréotypés puis, finalement, se reprocher soi-même de manquer de cœur et d’être trop aigri par les soucis du quotidien. Ainsi, le Père Noël de Santa & Cie offre le point de vue d’un personnage étranger afin de mettre en lumière les défauts et absurdités d’un système imposé par notre société, et que nous pensons absolu et logique. Si le point de vue général du film semble idéaliste, il s’inscrit surtout dans une volonté de montrer que le conformisme qui nous est imposé dans notre quotidien est avant tout une entrave, quelque chose que l’on s’impose et qui semble logique, mais qui est en même temps totalement absurde et qu’il n’est certainement pas impossible de s’en extirper.
Santa & Cie est donc un film de Noël, un film universel capable de s’adresser autant aux adultes qu’aux enfants, en suivant le principe d’être capable de parler à tout le monde et de réunir, grâce à un humour efficace qui ne tend pas à abuser, et grâce une écriture intéressante et intelligente qui ne joue pas la carte de la morale, mais plus de la prise de conscience. Mignon et drôle sur la forme, c’est un film qui se regarde sans prise de tête, mais qui a pour mérite d’être capable de faire réfléchir, de nous rappeler, quand nous sommes adultes, que cette candeur de Noël n’est pas ridicule et ne doit pas être pointée du doigt. Au contraire, elle doit être assumée pour nous faire prendre du recul, et transformer l’idée d’un idéalisme niais en quelque chose de moteur pour nous pousser à réfléchir et à ne pas se plier à ce qui nous est imposé. Allez, sur ce, je vais finir mon chocolat chaud !