Les journalistes l’avaient enterrés après son adaptation des aventures du Marsupilami (le cartoon était déjà bien ringard en son genre). Et pourtant le revoilà tel Jésus portant sa croix, ressuscité sous les traits de Santa Klaus. Cela tombe bien, tant Alain Chabat lui ressemble de plus en plus en vieillissant avec sa barbe et ses cheveux blancs. Le réalisateur et comédien conserve cette part de candeur et de naïveté désarmante dans son regard ce qui faisait de lui un excellent candidat pour un retour en grâce et en fanfare. Son Père Noël est un être oisif et misanthrope, restant cloîtré chez lui au pôle nord. Le réalisateur va également à rebours de sa représentation américanisé qui le voudrait rondouillard, épanoui, jovial et engoncé dans un costume rouge.
Le Santa Claus de cette comédie n’est pas aussi cool et bad-ass que son homologue de chez Netflix campé par Kurt Russel dans Les Chroniques de Noël. Il n’en a pas l’étoffe et ne chante probablement pas aussi bien. On pourrait même le qualifier de branleur. A l’instar d’un chauffeur Uber, il ne s’en tient qu’à la livraison des paquets, et il ne faut pas lui en demander d’avantage. Peut-être aurait-il mieux fait d’automatiser son usine de production plutôt que de recruter des lutins qui ne produisent que des jouets ringards, car quand l’un d’entre eux se met à tomber gravement malade, c’est tout le cheptel qu’il faut abattre. Mais l’inverse est tout aussi vrai et il suffirait d’en soigner un seul pour que le reste des petites mains se remettent au turbin. Pas de panique néanmoins, puisque le chef d’entreprise va aller quémander de l’aide à un couple de titi-parisiens afin de lui procurer 92 000 comprimés de vitamine-C ; alors qu’il n’en suffirait que d’un seul ; afin de les requinquer. Mais les choses ne vont évidemment pas se passer comme prévu, menaçant la bonne tenue des festivités.
Le film de Noël est un drôle d’objet censé s’intercaler entre le 1er et le 24 décembre pour occuper les enfants, les retraités, et les chômeurs de longue durée. Si l’idée de se démarquer des productions Hollywoodiennes en composant avec un père Noël débonnaire plus en phase avec notre sensibilité européenne s’avère louable. Santa & Cie ne peut éviter les écueils moraux et larmoyants de ce type de divertissement à destination familiale. Les blagues seront donc rarement transgressives, même si le fait d’aimer les enfants peut vite porter à confusion et exacerber les tensions.
A l’instar du comédien Will Farrell dans Elfe, Alain Chabat emploi le comique de situation à profusion afin d’orchestrer un décalage entre l’incarnation excentrique d’un personnage imaginaire confronté aux codes d’un monde dont il ne comprend pas les us et coutumes. Evidemment, ces scènes charrient leurs lots de gags grotesques et problèmes insolubles (le Père Noël a beau posséder le don d’ubiquité et traverser les murs, il ne peut néanmoins pas s’évader d’une cellule de prison sans le double de la clé…). Les évènements sont amenés avec la même finesse qu’un drogué s'emparant d’une crise de démence dans une pharmacie.
La cellule familiale est plutôt adorable, notamment grâce à l’alchimie du couple composé entre Pio Marmaï et la superbe actrice Franco-Iranienne Golshifteh Farahani (Pirates des Caraïbes La Vengeance de Salazar). Il est regrettable que le portrait du frère criminel et chapardeur n’est pas bénéficié du même soin. Il aurait pu être amusant de pervertir l’utilisation de la hotte pour dépouiller les honnêtes gens. Au lieu de cela, le personnage l’utilisera pour kidnapper accidentellement une gamine. Présenté de cette manière, l’idée paraît excessivement subversive, mais ne l’est pas. La meilleure blague sera à mettre au crédit du Palmashow où les deux interprètes feindront une relation homosexuel… C’est dire le niveau... Bien que l’épilogue puisse ressembler à une publicité déguisé pour Chanel, les effets visuels du film prouvent néanmoins qu’il y en a sous le traîneau, et que les français sont capable de rivaliser avec les américains dans les technologies du numérique. En l’état du paysage audiovisuel actuel, Santa & Cie ne devrait pas vous habiller pour l’hiver. Une occasion à prendre ou à laisser.
En cette période de festivités où il convient de se réunir en famille, d'ouvrir les cadeaux et de déguster une bonne pintade fourrée. L’Écran Barge vous propose de déterrer la hache de guerre en pervertissant l'esprit de Noël. Cette sélection de films saisonniers accompagnés de critiques virulentes et acerbes est donc réservés aux viandards, aux bisseux, aux tueurs de masses, aux durs à cuirs, aux frustrés et à tous ceux qui ne croient plus aux bons sentiments et à la paix dans le monde depuis bien trop longtemps.