Sarabande. De violoncelle pour commencer. Instrument de prédilection de Karin, talentueuse mais pas virtuose, qui voudrait y consacrer sa vie et s'y perfectionner. C'est sans compter sur l'amour inconditionnel, malsain, étouffant et quasi incestueux de son père et professeur Henrik. C'est sans compter sur l'austérité et l'intransigeance de son grand-père Johan, ce vieux ronchon qui vit désormais seul, trente après les évènements d'un précédent chef d'oeuvre de Bergman dont cette danse d'images et de sons sera la suite discrète et télévisuelle.
Film austère et peu aimable d'emblée, rugosité de l'interprétation, nudité des décors, de la nature puis des corps, beauté janséniste d'une séquence musicale au lyrisme blanc et vide, tourments symphoniques brucknériens qui vous surprennent au détour d'un escalier ou délicatesse de Bach dans une église ou chez soi. Cavalcade désespérée dans les bois que guette une caméra aiguisée comme un couperet. La famille se déchire, l'ancien couple est à jamais perdu. Mais Liv Ullmann s'accroche, insiste, et baigne ce monde de sa générosité lucide. Deux vieilles personnes s'allongent comme au bon vieux temps, puis arrive l'heure de l'épilogue, déchirant récit frontal et monovocal déclamé par une actrice qui jusqu'au bout aura tout donné à son cinéaste.
Ultime film de Bergman, doux et assassin à la fois, il nous laisse avec l'impression de ne pas tout avoir compris, de ne pas avoir tout aimé, mais d'avoir pourtant appréhendé une - et même plusieurs - vie(s) dans ce qu'elles ont d'humain, de désespérément humain, trop humain.