Satan mon amour est une oeuvre extrêmement curieuse et fascinante où le naturalisme côtoie constamment le surnaturel. Cet univers est illustré par une caméra mobile et envoûtante et par des plans graphiques qui n’est pas sans évoquer par moment furtif le style de Mario Bava. Plusieurs motifs récurrents viennent composer l’imaginaire et la mythologie du film : portraits, statuettes, masques et présence d’animaux (surtout le ‘chien’), couleur chatoyante et lumière vaporeuse, rites magiques et sataniques, musique hypnotique, dissonante et organique de Jerry Goldsmith (Gremlins, Star Trek, Rambo, Basic Instinct, etc) qui accentue le coté spectral et inquiétant du métrage.
Bercé par des atmosphères oniriques et gothiques, on trouve également des scènes étranges et surréalistes, notamment celle du bal ou tous les invités portent des masques d’animaux : filmé en grand angle, ce spectacle fantasque donne une dimension vraiment cauchemardesque à la scène : le chien flanqué d’une tête humaine restera à n’en point douté dans les mémoires du spectateur. Il serait vain d’énumérer les nombreuses qualités de ce métrage qui vaut vraiment le détour pour sa richesse visuelle et cinématographique !
Sans effet de mise en scène poussive et démonstrative - pourtant toujours à la limite du clinquant et du tape à l’oeil, le cinéaste laisse toujours la place à la force du récit qui mise autant sur la psychologie des protagonistes que sur une contamination lente et sûre du fantastique sur le réel. Paul Wendkos, formé principalement à la télévision, se contente juste de parsemé ses effets de style dans les scènes charnières du film en semant toujours le doute sur la véracité des événements, du moins vu à travers le regard de l’héroïne Paula/Jacqueline Bisset, car le spectateur n’est quant à lui jamais dupe.
L’ambiance raffinée et sophistiquée des plans invoquent une ambiance expressionniste qu’on peut retrouver dans les meilleures productions de la Hammer, ainsi que celles de Roger Corman, tout en s’éloignant de ces ‘écoles’ par le style résolument moderne de la réalisation. La direction artistique fouillée et les éclairages baroques subliment d’ailleurs les nombreuses séquences en intérieur, surtout la somptueuse et grande demeure de Duncan Ely, le lugubre et funeste propriétaire.
La caractérisation des personnages et les dialogues bien rythmés, qui ne sont pas dénués d’humour dans la première partie, renforcent le coté ‘réaliste’ du film dans la mesure ou le genre, en soit, semble toujours être au second plan. De plus, les acteurs (magnifique casting, il faut le souligner tant il participe à la réussite du film) semblent toujours habités par leur personnage et Jacqueline Bisset offre une prestation vraiment éloquente quand son quotidien se transforme en cauchemar via les chamboulements dus à la mort de sa fille et à l’étrange transformation de son mari qui devient un véritable virtuose au piano. Son évolution dans le récit n’est d’ailleurs pas sans évoquer celui de Mia Farrow dans Rosemary’s baby de Roman Polanski, dont l’influence est évidente puisque ce The mephisto waltz en emprunte le sentier et la mécanique sans jamais singer le chef d’oeuvre original.
En bref, le suspense et le mystère qui entoure les tragiques événements tiennent en haleine jusqu’à la résolution finale et l’étonnante modernité et intemporalité de cette oeuvre méconnue vraiment atypique séduira, à mon humble avis, le cinéphile curieux en quête de nouveauté.