Sátántangó – Le Tango de Satan par HammerKlavier

La ronde du tango de satan. Les êtres en manque de perspective qui tournoient, et ceux bien décidés qui foncent en ligne droite. Le monde de Béla Tarr est gris, désenchanté, et même les rêves de petites fille comme Estiké sont pillés. Pillés par la cruelle escroquerie: "Donne moi ton or Estiké, et si on le plante sous l'arbre, demain, au printemps revenue, tu cueilleras la source de tes rêves". Mais chez Bela Tarr il n'y a pas de printemps. C'est à cause de l'escroc, de celui qui abuse de l’innocence et de la crédulité de l'"idiot". Et même les petit escroc, échafaudant un complot mesquin en voulant partir avec l'or de la vente du troupeau, seront à leur tour berné par plus malin qu'eux, le poète-roublard Irimias, que l'on croyait mort.


L'histoire est ainsi repliée sur elle même en une boucle de duperie dans ce conte désespérant de cruauté et de dérision. Bien sur, cela ne serait pas aussi fort sans le formalisme impecable de ce cinéma, une caméra tantôt tournoyante autour de ses personnages aux gueules ravagées, comme dans une danse infernale, tantôt suivant la ligne droite des gens décidés comme Estiké, avec sa petite bouteille de mort au rat, qui vient d'empoisonner son chat, et s’apprête à faire la même chose d'elle même, ou encore Irimias, dont les secrètes motivations n’intéressent personnes, et qui est venu tisser sa toile de duperie autour de ces êtres qui n'ont plus de perspective et qui dansent toute la nuits.


Aujourd’hui, je ne trouve pas d'issue possible à cet état de fait évoqué si puissamment dans le film : la façon dont le mépris vis à vis du faible et la ronde des imbéciles heureux tournent gentiment ensemble dans un tango infernale et enivrant, sous le regards amusé et moqueur de celui à qui profite ce ballet ridicule, mais triste.


Un chef d’œuvre éblouissant de noirceur.

HammerKlavier
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les films les plus obscurs et Top 10 Films

Créée

le 24 juin 2013

Critique lue 435 fois

6 j'aime

HammerKlavier

Écrit par

Critique lue 435 fois

6

D'autres avis sur Sátántangó – Le Tango de Satan

Sátántangó – Le Tango de Satan
Ochazuke
5

La superbe danse du vide...

Il était un devoir impératif de voir enfin ce qui semblait être ma plus grosse lacune cinématographique : une note incroyable sur SC, une longueur impressionnante et sur tous les autres sites de...

le 8 févr. 2014

75 j'aime

32

Sátántangó – Le Tango de Satan
Torpenn
6

Au Tarr venu les zoos

Il y a comme une forme de soulagement à s’extirper enfin de son canapé plus ou moins confortable pour se dégourdir enfin les jambes loin des reliefs du pique-nique et des cadavres de bouteilles qui...

le 11 déc. 2013

62 j'aime

38

Sátántangó – Le Tango de Satan
Heisenberg
9

Satan, ça tangue, exsangue.

(Oui je passe le film de 5 à 9, mais je tenais à laisser la critique telle qu'elle, elle ne répond d'ailleurs pas vraiment d'un commentaire qualitatif sur le film mais d'une impression personnelle,...

le 9 avr. 2012

49 j'aime

9

Du même critique

Absalon, Absalon !
HammerKlavier
10

Critique de Absalon, Absalon ! par HammerKlavier

Absalon ! Absalon ! Le titre m’avait parut curieux puisqu’il ne m’évoquait pas grand chose. J’appris dans la préface du livre qu’il faisait référence à un Roi criant le nom de son fils qu’il venait...

le 25 juin 2013

12 j'aime

6

Tango de Satan
HammerKlavier
10

Critique de Tango de Satan par HammerKlavier

C'est l'adaptation du Tango de Satan au cinéma, que j'ai pu voir en DVD, qui m'a poussé a lire ce livre de Lazslo Krasznahorkai. Si le film de Bela Tarr a une puissance visuelle tres forte et a donc...

le 8 juin 2023

11 j'aime

Lettre d'une inconnue
HammerKlavier
5

Critique de Lettre d'une inconnue par HammerKlavier

Zweig avait l'air d'être un homme passionnant, avec un regard lucide sur ce qui se passait a son époque, et un humanisme vaincu par le désespoir, lors des évènements les plus sombres du XXième...

le 18 mai 2015

10 j'aime

2