Aujourd'hui je me suis réveillé à 6h du matin et je ne sais pas pourquoi, je me suis dit : tiens ! Et si je regardais Sátántangó ?
Il est 14h.
J'ai l'impression de sortir d'un néant éternel ... l'esprit totalement vidé ...
Avant toute chose. Il est important d'insister sur les conditions de visionnage. Ce genre de long-métrage doit être regardé dans les meilleurs conditions, aucune lumière extérieur, seul, téléphone éteint et bien évidemment d'une traite afin de respecter au mieux l'auteur.
C'est donc presque naïvement sur un coup de tête que j'ai décidé de regarder Sátántangó de Béla Tarr sans mettre pose. L'expérience fut incroyable
J'ai tendance à répéter que nous sommes les seuls responsable de notre ennuie. Malheureusement ce n'est pas tout à fait vrai. En effet, ici il est question d'un métrage avec une durée de 7h30 constituée de beaucoup, beaucoup, beaucoup trop de plans séquences (souvent assez fixes) d'autant plus qu'ils sont tous extrêmement longs et il ne se passe presque rien.
Venons-en au métrage.
Sátántangó implante le spectateur dans un village hongrois totalement poisseux, crasseux, un lieux, qui à l'image de nos personnages, est absolument décrépit. La mort plane autour de nos personnages, cette sensation est particulièrement appuyée par une superbe musique composé par Mihály Víg. Une musique d'ambiance envoutante qui est accompagnée de ces bruits de cloches incessants. Le métrage est en noir et blanc ce qui vient ajouter une dimension pessimiste. Ce village fantôme abrite quelques personnes qui voudront à tout prix s'émanciper de la pauvreté et pour cela certains n'hésiteront pas à abandonner leur cocon délabré en prenant toute leur économie annuelle. Malheureusement tout ne se passera pas comme prévu, car certains s'en apercevront et prendront part à cette initiative potentiellement suicidaire ce qui sera le cas de Futaki.
Tout ceux ayant visionné ce métrage auront sans doute regardé Elephant de Gus Van Sant. Difficile de ne pas le comparer avec ce métrage tant ils se ressemblent à la fois narrativement et techniquement. En effet, non seulement les deux possèdent de nombreux plans séquences, mais en plus les personnages finissent tous par se croiser. Le spectateur pensait suivre les personnages indépendamment les uns des autres, or ce n'est pas le cas. Par exemple, après avoir suivi Schmidt et Futaki, on se rend compte que le docteur du village les observait un moment plaçant le spectateur dans une position de voyeur. D'ailleurs difficile de ne pas comparer le docteur à Tarr, c'est le personnage qui observe constamment le village notamment par le biais de ses jumelles, il prend des notes de tout ce qui se déroule devant ses yeux, dessine, c'est celui qui souffre le plus, chaque respiration est une douleur insupportable, c'est celui qu'on voit errer le plus au point qu'il frôle la mort, celui qui est totalement délaissé dans son trou, ça ne lui empêchera pas de boire comme un trou. Enfin, c'est celui qui clôtura le métrage.
Nos personnages vont donc essayer de faire fortune lorsque deux personnes reviennent parmi les morts. Ces deux hommes leur proposeront un espèce de contrat presque forcé et tout le long du métrage la question se pose : sont-ils des anges gardiens ? Ou des démons qui viennent amasser de l'argent en appauvrissant ces êtres miséreux ?
Sátántangó est un métrage particulièrement marquant. Il y a beaucoup de séquences inoubliables dues principalement à leurs longueurs. Je pense notamment à toute la partie avec l'enfant ayant constamment un regard livide notamment lorsqu'il observe cette pluie déferlante ou encore lorsqu'il est sur le chemin du retour. Un enfant solitaire totalement oublié qui exprime sa colère en martyrisant un chat à tel point que ça devient insupportable. La manière dont tout cela se termine est extrêmement tragique.
Quand Tarr nous présente un moment de bonheur c'est fascinant. En effet, je pense à une scène qui revient deux ou trois fois où le docteur (puis l'enfant) s'approchent d'un bar. Au départ, ils sont très éloignés, mais on entend une légère note jouée à l'accordéon, cette note à peine audible traverse un temps catastrophique, puis en s'approchant encore ils voient au loin une lumière. J'ai trouvé ce moment particulièrement sublime.
Sátántangó s'avère être par moment une magnifique poésie dont la longueur peut malheureusement en rebuter certain, c'est compréhensible, car après tout il faut vraiment être déterminé pour avoir les yeux rivés sur son écran pendant 7h30 ...
Mais je pense sincèrement que tout ceux qui s'intéressent au domaine cinématographique devraient un jour ou l'autre se plonger dans cette œuvre vraiment spéciale.