Visuellement, Satantango est une merveille: l'un des plus beaux noirs et blancs qu'on puisse voir (normal, on est dans un film de Béla Tarr), de sublimes scènes contemplatives, une manière de filmer hors du commun (de longs et lents travellings illustrant la désolation des l'environnement) un cadrage extrêmement réussi.
En termes de fond, c'est aussi très intéressant: des personnages pourrissant de l'intérieur dans une ferme aux airs de kolkhoze dévasté, s'épiant et complotant entre eux.Il y a dans Satantango une véritable atmosphère de fin du monde, la fin d'un monde: celui du communisme. Et puis il y a le retour d'Irimias et Petrina, que toute la ferme croyait morts. Les habitants du village vont d'abord les rejeter, les prendre pour des morts, puis les suivre vers de nouveaux horizons, l'histoire prend alors une dimension prophétique, quasi biblique: Irimias est une sorte de Moise corrompu guidant les siens vers un monde nouveau.
Pour toutes ces raisons, il est dur de dénigrer Satantango. Cependant, cependant, il y'a bien un problème: la forme du film. 7h30 à pourrir avec les personnages, 7h30 et 150 plans. Ce film est étouffant, et dans le mauvais sens du terme: les longs travellings suspendent le temps, peignent un décor apocalyptique, mais prennent en otage le spectateur, au point que le spectacle se transforme en supplice.Le problème du film est son concept même, l'exercice auquel se soumet Béla Tarr est certes très intéressant et la démonstration puissante, mais elle se fait au détriment du spectateur, que le film semble vouloir rejeter, ou alors entrainer vers le néant à l'instar ses personnages.
Satantango, c'est l'expérience du néant,du pourrissement intérieur, à voir si c'est ce que vivre veut le spectateur.