Souvent, au Festival international du cinéma d'animation d'Annecy, on décerne une mention spéciale du jury à des films à la forme souvent peu commune dans le cinéma d'animation actuel, et abordant, parfois de manière peu commune, des thèmes peu commun. L'édition 2022 ne déroge pas à la règle car après Kill it and leave this town et La Traversée, ce sont bel et bien deux ex aequo qui partagent la mention spéciale du jury, dont Saule aveugles femme endormie, un film d'animation français au pitch atypique, à l'esthétique étrange, et très peu inspirant... parfait pour recevoir une mention spéciale dans un festival spécialisé dans l'animation, si celui-ci est au niveau. Du coup, est-ce le cas ?
Lorsque vous allez voir le film, si par hasard vous décidez de le rattraper, même si c'est devinable dès la bande annonce ou même avec l'affiche du film, il faut se mettre à l'esprit une évidence que vous aurez quoi qu'il arrive à la fin du visionnage: vous n'aurez pas toutes les clefs. Si je devais en donner un élément clair sur le film, faute de pouvoir réellement donner d'éléments précis sans spoiler l'expérience même qu'est ce film, c'est qu'il est impossible de rentrer dans le film avant d'avoir abandonner tout rattachement concret à des codes ou des clefs de narrations pré-établis. Le film fait comprendre dès sa première scène, à travers une descente d'escalier, prise sur le vif en pleine action, illustré et édité de manière étrange et peu orthodoxe, où l'on arrive jamais vraiment à nous convaincre de la crédibilité de ce qu'on voit, ni même à rentrer dans l'univers. Le sentiment perdure une bonne dizaine de minute jusqu'à un point où on ne sait vraiment plus où se mettre, renforcé par la structure de l'histoire chorale, composés de plusieurs récits eux même chapitré en terme de jours, et on est vraiment à deux doigts d'avoir de mauvaises idées nous poussant à sortir de la salle. Seulement, si vous sortez, vous allez surement louper une des plus belle expérience cinématographique de 2023.
Dès l'arrivé de Frog (que j'ai cru brillamment interprété par l'immense Guillaume Lebon dans ce qui semblait être un de ses meilleurs rôles, mais qui se révèlera être la voix du réalisateur lui-même), le film arrive, avec subtilité et finesse, à trouver un rythme et un liant, à travers l'imagination et le fantastique, qui nous fait lâcher tout nos repaires, et nous emmène dans une déambulation onirique, psychédélique et incroyable. Le tout est sublimé par des musiques envoutante et planante composés par le réalisateur lui même. On comprend qu'on ne va pas tant suivre une histoire linéaire, mais plus des moments de vies de personnages, en proie à des doutes, ayant pour seuls points communs de travailler dans la même entreprise, et de vivre différemment les événements liés aux tremblement de terre et au Tsunami de 2011. Chacun de ces personnages vont être amené, à leurs manière, à quitter leurs quotidiens pour questionner leurs vies. Il est question de dresser un bilan, soit de manière direct à travers un jeune travailleur prenant des jours de congés ayant pour but de mettre les idées au clair, ou de manière d'un travailleur choisit par une grenouille pour sauver Tokyo. Malgré que certaines histoires peuvent avoir un but ou même une direction toute tracé, le film fait le choix de ne jamais trop s'attarder sur ces récits, pouvant donner des directions distincte pouvant parasiter une déambulation initiatique qui n'a pas vocation à être individuel. C'est un film chorale qui présente des vies, mais aucune n'est plus importante qu'une autre. L'idée est plus de transporter le spectateur dans une réflexion introspectif à travers des personnages, plus qu'une évolution distincte de personnages amenant à ce qu'on s'identifie à eux en particulier. Le film a pleinement conscience que nous sommes complexe, et qu'il ne suffira pas de présenter un personnage pour englober nos différentes singularités. Il est plus question de laisser vagabonder l'esprit du spectateurs, tel un fantôme, entre différents moments de vie, de l'inviter capturer ce qui le touche, et de laisser ce qui ne lui plait pas. Afin d'aider à cela, le film va pour créer des transitions et des rencontres très peu prévisibles entre les personnages, afin d'explorer tous les possibilités vis-à-vis d'un individu. On peut passer d'une scène où un personnage finit seul un jour, puis accompagné d'un enfant à l’hôpital un autre jour, puis de deux femmes un troisième jour sans qu'on ait tant eu le temps d'expliqué pourquoi, où serait le lien entre ces différentes personnes... On obtient un résultat très déroutant où l'on se laisse embarqué, sans trop savoir où, dans des scènes alternant le sensuel dans une chambre d'hôtel, la pure bizarrerie, la tension durant une course poursuite pour enchainer avec de la tendresse entre un homme et son ami imaginaire... le film est généreux en sensations fortes, et est purement passionnant.
Maintenant, comme je le disais plutôt, même si le film est une expérience extraordinaire qui ne déçoit jamais (mis à part quelques moments un peu long), c'est un film qui peut devenir très vite épuisant et trop déroutant pour quelqu'un qui n'est pas préparé à ce genre de propositions. Comme tout film avec une forme un peu atypique, le film ne fait pas dans la demi-mesure, ce qui en fait sa force, mais devient très vite un frein si l'on ne saisit pas le coche. A un moment ou à un autre, on arrivera forcément à prendre le coche, il est juste regrettable que l'on ait à attendre l'élément qui nous ferra comprendre la volonté du film, lorsque celle-ci aurait pu être pensé en amont pour capter l'attention des spectateurs. Cela renforce évidemment le statu hybride et à part du film, mais en soulève aussi sa difficulté à, parfois, ne pas marcher sur tout le monde. Il est évident que c'est un film qui se revoit mieux qu'il ne se voit. Vous l'aurez compris, si à un moment ou à un autre, on est amené à être transporté et à comprendre la beauté du voyage, revivre ce voyage ne sera que plus beau car, de ce fait, le voyage commencera d'office, vu qu'on aura déjà les clefs au préalable pour redécouvrir cette œuvre dont on ne saurais compter tous les détails et niveau de lecture.
15,75/20
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