C’est bien connu, on ne joue pas avec le feu. Pour un pompier, ce qui compte c’est de savoir à quoi s’en tenir et de faire son possible pour limiter les risques. Alors, on entretient un physique aussi irréprochable que possible et on joue aux durs en plaisantant avec les copains (très important l’esprit d’équipe). On fait comme les gens sans histoire, on se marie, on fait des enfants et on vit tranquillement.


Le quotidien de Franck (Pierre Niney, fort et faible, donc émouvant), aux Pompiers de Paris est fait d’entrainement physique à la caserne, de sorties sur le terrain en équipe pour répondre aux appels d’urgence (malaises, accidents, etc.) ou encore ramasser des membres épars sur les voies du métro après un suicide. N’oublions pas que les pompiers sont des militaires et que leur métier comporte de vrais risques. Alors, tous les matins à l’appel, l’un d’eux répond au capitaine « Mort au feu ! » pour tous ceux qui, auparavant, ont sacrifié leur vie dans les flammes. Sans compter ceux qui s’en tirent mais en gardent des séquelles, comme Martin (Vincent Rottiers) dont le pied a ripé au mauvais moment.


Bref, après son apprentissage, Franck se voit promu chef d’équipe et appelé sur un incendie d’entrepôt. Quelque chose de suffisamment méchant pour que son équipe soit demandée en renfort. Est-ce une surestimation de ses capacités, la malchance, le manque d’expérience ou le sens du devoir ?


Toujours est-il que Franck se retrouve coincé au milieu des flammes et sur le point de griller vif malgré son équipement ignifugé et son casque. Miraculeusement sorti et hospitalisé aux urgences, il va séjourner du côté des grands brûlés.


Ma déception sur ce film, c’est que son sujet devient davantage celui du combat d’un accidenté (grave) pour revivre, plutôt que l’action des pompiers. A croire qu’au cinéma, les pompiers ne peuvent que servir de prétexte pour montrer autre chose. Même si j’en oublie probablement (la liste n’est pas si longue que ça), me viennent à l’esprit Au feu les pompiers (Milos Forman – 1967) centré sur le fameux bal des pompiers, Backdraft (Ron Howard – 1991) qui fonctionne sur une intrigue policière et Les hommes du feu (Pierre Jolivet – 2016) qui s’intéresse aux pyromanes. Pourtant, avec leurs uniformes, leurs beaux casques et leurs camions rouges (avec grande échelle), ils portent beau et conservent tout leur prestige, notamment auprès des enfants à qui on demande ce qu’ils veulent faire plus tard, ainsi qu’auprès des femmes. Quand on a la vocation, rien ne vaut la satisfaction de sauver un enfant prisonnier des flammes ou encore d’aider une jeune femme à accoucher dans un lieu inattendu. Le revers de la médaille, c’est quand il faut rentrer à la maison après avoir vainement tenté de désincarcérer un accidenté de la route par exemple. Le pire bien entendu, c’est quand on réalise qu’on connaissait la personne qu’on n’a pas pu sauver. Et puisque le quotidien des pompiers consiste à faire le maximum pour sauver des vies humaines, on apprend avec satisfaction que le métier attire de plus en plus de femmes et que professionnels et volontaires suivent la même formation. Rapide synthèse de tout ce que j’ai pu entendre à l’avant-première du film en présence du personnel d’une caserne locale. Accompagnant l’intervention d’un chauffeur de salle, une petite voix diabolique me souffla que le public (nombreux) aurait pu entonner « Ce soir, on vous met… Ce soir on vous met le feu… » Heureusement, personne n’a osé (vent de panique, catastrophe, gros titres dans les journaux…) Très pédagogique, la présence des pompiers, venus confirmer l’argument « d’après une histoire vraie » auquel une bonne partie du public est sensible.


Un prétexte de publicitaire malin pour justifier ce film, comme beaucoup d’autres. Mais la vraie valeur d’un film réside dans sa façon de présenter des situations, la mise en scène, un scénario original, le montage, le jeu des acteurs, etc. Ici, malgré une évidente bonne volonté au service d’une histoire de combat pour la vie, aucune originalité notable. Franck et Cécile (Anaïs Demoustier) mènent une vie tout ce qu’il y a de plus ordinaire ou rien ne ressortirait sans ce drame. Franck subit sa condition, même si le médecin (Sami Bouajila) annonce que dans ce genre de cas, certains se laissent glisser en considérant que ce qu’ils peuvent encore espérer ne vaut pas la peine. La scène sur le balcon (une des meilleures à mon avis) et les tensions dans le couple Franck-Cécile montrent que les dégâts ne sont pas que physiques, alors que le film insiste plutôt là-dessus, avec des situations plus ou moins attendues sur les efforts physiques pour remonter la pente. Un ensemble où le réalisateur (Frédéric Tellier, coscénariste avec David Oelhoffen) privilégie la carte de l’émotion au détriment de tout le reste. Ainsi, le seul repère concernant la durée du calvaire de Franck est donné par l’âge de ses enfants. Franck vit désormais au ralenti, racontant dans son discours avoir péri, tout en affirmant que sa virilité reste intacte. Malgré tous ses efforts (et de multiples opérations), son visage ressemble à celui de Nikki Lauda après l’accident du Nürbürgring, un véritable handicap dans ses démarches pour retrouver une place parmi les vivants.

Electron
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le 25 nov. 2018

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