Faut le dire d'emblée, Savages ne ressemble pas à l'œuvre d'un réalisateur chevronné de 66 printemps. Pour tout dire, on jurerait qu'il sort de l'esprit d'un jeune type biberonné aux films de Tarantino, qui se serait efforcé de noircir, du mieux qu'il peut ses premières pages de scénario.
Ça commence très mal, avec cette patte clipesque de Stone à laquelle on ne peut pas, on ne pourra plus échapper. Une confession d'Ophélie au spectateur qui doute de son futur au sein même de l'histoire (et qui nous rassure évidemment par la même occasion, car il est désormais IMPOSSIBLE qu'elle crève d'ici la fin du film), et qui nous fait comprendre qu'on ne met pas les pieds dans un chef d'oeuvre meta, mais dans une vague tentative de perturber le spectateur. Mais les plus aguerris en ont vu d'autres. Et si ça ne fonctionne pas, c'est en grande partie de la faute de cette Blake Lively, que je découvre, et dont le jeu 100% maniéré plombe la moindre apparition . Sous Kate Hudson ? sur Kate Bosworth ? Nul ne sait vraiment, en revanche sa voix éraillée et chichiteuse qui clôt le film donne vraiment l'impression de visionner une pub pour Eau Sauvage de Dior.
Ben (Aaron Taylor Johnson) & Chon (Taylor Kitsch), mélange entre Ben & jerry's et Cheech & Chong, sont les heureux patrons d'un commerce de cannabis afghans fleurissant. Ben, ancien G.I déployé dans le Golf est l'ultra violent chef du département recouvrement de paiement. Chon est le fameux dealer philanthrope qui fait creuser des puits en Afrique et qui utilise du papier à fumette eco friendly à base de peaux de bananes. Les deux amis partagent deux passions : la beuh exotique et le corps d'Ophélie, l'officielle de Ben, qui baisouille avec Ben pour lui faire oublier la guerre. Oliver Stone fait son Jules & Jim.
Tout va pour le mieux jusqu'au jour où les deux compères sont importunés par le fléau des années 2020 : Le démarchage téléphonique. Les moustachus mexicains à l'autre bout du fil ne proposent pas des arnaques aux comptes de formation mais un partenariat plus ou moins forcé. Et quels Mexicains... Salma Hayek & Benicio Del Torro. Alors ok, ils sont l'un et l'autre dans le creux de la vague, mais ça fait quand même un peu de peine de les voir cachetonner de la sorte. J'ai moins de compassion pour le trio cités plus haut qui ne sont pas des légendes du 7e art, et c'est pas mal comme emploi-jeune déjà.
Mais Benicio, il peut encore donner... Du coup il se permet de cabotiner histoire d'au moins s'amuser un peu. Car les personnages manquent cruellement de substance, quand ils ne sont pas purement et simplement des bons gros stéréotypes ("oh cabron ! caramba ! la patronne ye lé pas contente gringo !").
À propos de creux de vague, on n'oublie pas non plus John Travolta qui a une certaine habitude du phénomène puisqu'il en est au moins à son 30e coup de mou. Et lui aussi se fait plaisir dans le rôle de l'agent fédéral ripou. C'est au moins ça, quelques cabotinages sympas, de grands acteurs qui tentent de payer les traites de leurs piscines le plus honnêtement possible.
Pour le reste, on est dans le médiocre. Kidnaping, hacking pour les nuls par fan du tour du France, braco au bazooka et des scènes de torture assez gratuites engraissent un peu le film jusqu'au dénouement complètement raté.
Je parle évidemment de la fameuse double fin. Ou plutôt la vraie fin que Stone devait avoir en tête, mais qu'il n'a pas eu les couilles, ou le droit de proposer aux exécutifs. La mort des 3 persos après une impasse mexicaine des plus grotesques, c'était pas super vendeur de toute façon. La fausse fin destinée à renforcer l'idée qu'Ophélie est condamnée depuis le début devait sembler super cool à Olive. Il n'en est évidemment rien. Les gentils compères sont vivants, le très méchant est mort après 67 balles dans la carcasse, la méchante moyenne est envoyée en taule. Ben, Chon & Ophélie, vivent en bons sauvages en Asie, ils font du surf, achètent de la rascasse au marché, ils baisent et fument de l'herbe en construisant des jouets en bois pour les enfants du village. Ce qui est dingue c'est qu'il a foiré les deux fins !
A presque 66 ans, Scorsese sortait le Loup de Wall Street.