Matsumoto, le trublion de l'humour non-sensique japonais est de retour avec un nouveau film ! Cette fois, il s'essaie au film historique : Saya Zamurai raconte l'histoire de Nomi Kanjuro, un samouraï un peu loser sur les bords qui a perdu son épée en même temps que sa femme. Voyageant sans but avec sa fille Tae, Nomi a le malheur de se faire capturer par un seigneur qui lui donne 30 jours pour faire sourire, au sens propre, son fils dépressif. En cas d'échec, le pauvre devra se faire seppuku. S'en suit une succession de tentatives où Nomi n'en finit pas de se rendre ridicule, avec la complicité des deux gardes chargés de sa surveillance.
De la part de Matsumoto, ce choix de faire un film plus "traditionnel" peut paraitre surprenant. Afin de mieux comprendre, il est nécessaire de se pencher sur les circonstances qui ont mené à sa création. A l'origine, Matsumoto diffuse à la télévision japonaise une émission télévisée inspirée de Jackass mais avec des personnes âgées, qui sont donc mises devant des défis aussi absurdes que faire semblant de jouer du Shamisen avec un balai ou avaler une nouille par le nez. A ce petit jeu, Matsumoto se prend d'affection pour Nomi Takaaki, un tenancier de bar un peu simplet qui excelle dans le domaine du ridicule, et décide d'en faire la star de son nouveau film. L'anédocte est encore plus savoureuse quand on sait que, lors du tournage, le pauvre Nomi n'a jamais été mis au courant qu'il jouait dans un film !
Sur l'écran, Nomi, vedette malgré lui d'un spectacle bien piteux, est donc omniprésent sans jamais prononcer la moindre parole intelligible, pendant que son entourage l'enfourne dans un canon ou le transforme en pinceau humain. Cela peut sembler cruel au premier abord, et dans une certaine mesure ça l'est. Mais contrairement à ce qu'il pourrait paraitre au premier abord, le film n'est pas un jackass médiéval japonais. C'est plutôt, un peu au même titre que les idiots de Lars von trier, un plaidoyer en direction des imbéciles heureux, tour à tour drôle, cruel, mais aussi touchant, émouvant, très bien filmé, et avec un casting des plus solides (mention spéciale à la petite Tae, vraiment craquante). Matsumoto ne manque jamais de respect envers Nomi, bien au contraire : partant du statut de gentil benet, ce dernier gagne progressivement l'admiration et le respect de son entourage, jusqu'à un final d'une intensité déchirante. La très grande beauté des images, particulièrement de nuit, et la qualité de la reconstitution du japon féodal viennent confirmer, s'il en était encore besoin, que Saya Zamurai est bien loin d'une comédie potache mal inspirée, et installe définitivement son réalisateur dans la liste des auteurs à suivre. Une bien belle réussite.