C'est avec Saya zamuraï que j'ai découvert l'univers assez singulier de Hitoshi Matsumoto, l'occasion de recevoir un jolie gifle, toute en douceur, empreinte de poésie et d'une belle dose d'inspiration. A grand renfort des codes propres au Chambara, l'homme se lance dans une petite fable initiatique mêlant habilement les genres. Du burlesque, qui habite toutes les épreuves traversées par un père samouraï en quête de son propre soi, au petit message sensiblement acide sur le sens de la vie, les métaphores s'enchaînent avec intelligence. Et si le flou demeure quant à l'intérêt d'autant d'agitation après une petite demi-heure de film (les 30 journées à dessiner semblent bien peu prometteuses de prime abord), le temps nécessaire à la mise en place des personnages et à l'élaboration complète de la problématique centrale, rapidement la sauce prend : Matsumoto prouve à nouveau sa grande force, une gestion du rythme qui frôle la perfection.
A l'aide d'acteurs très impliqués, à l'image du magnétique Kanjuro Nomi ou de la très prometteuse Sea Kumada qui se joue avec aisance et élégance d'un rôle pourtant difficile, le cinéaste remet en effet les pendules à l'heure en quelques tours de bobine. Une fois tout son petit monde introduit et la mécanique de son film posée, le temps file à toute vitesse, chaque nouvel essai pour faire sourire le petit prince marqué par la vie, est la promesse d'autant d'agréables moments qui conduisent au torrent d'émotion berçant les derniers instants du film. Il est assez remarquable de constater avec quelle habileté Hitoshi Matsumoto change constamment de ton : une facette de son cinéma qui est pour beaucoup dans l'impact émotionnel qui saisit à la gorge lorsqu'il met enfin bout à bout toutes les pièces du puzzle qu'il a patiemment construit.
On pense à beaucoup de films devant Saya Zamuraï, à l'été de Kikujiro forcément, mais également à Baby Cart auquel il emprunte une touchante relation père/fils comme point de départ. Comme Daigoro, Tae fait preuve d'une force de caractère qui serre les coeurs avec douceur. Impossible de ne pas se laisser happer par la chansonnette finale, seul moment d'échange que la fillette partage avec son père, pourtant absent de l'image, comme si finalement, seul cet acte ultime avait suffi à combler son absence.
Le message est fort, sensible, poétique et résume parfaitement Saya Zamuraï, conte faussement drôle mais terriblement émouvant que je recommande ardemment pour découvrir Hitoshi Matsumoto, plus facile d'accès que l'indomptable Symbol, qu'il faut toutefois enchaîner sans attendre si ce premier contact vous a laissé le sourire.