Funeral Pyre


Un jour ou l'autre sur ta route cinéphilique, sur ce chemin que nous avons choisi d'emprunter, chacun à notre manière, chacune voyant midi à sa porte, Chacun/e décrétant, par une définition bien à soi, ce qu'el/il/le considère comme LE CINEMA.


On cherche, au final, pour les plus aventurier/e/s d'entre nous, ce film qui viendra bousculer nos aises, nos conforts. Bien sûr ce n'est pas le cas de tou/te/s, mais comme je suis un connard prosélyte, j'espère que mes abonné/e/s l'ont bien compris, je ne m'adresse pas à ceux-là.
Et je crois que parmi mes éclaireu/ses/rs, je peux compter sur une écrasante majorité pour répondre à mes attentes.


Ces films-là, combien pouvons-nous en voir dans une année de sorties ciné ? Ce cinéma-là, nous est-il réellement accessible..?


Ces films qui remettent en question notre rapport au cinéma, que ce soit dans leur démarche, dans leur(s) longueur(s), dans leurs prouesses, ils sont rares à mes yeux. Rares sur les écrans que je fréquente.


D'autant plus rare et peut-être, par là même, précieux, que leur distribution est souvent faible.


Sayonara est clairement l'un d'eux.


Le simple fait de choisir un androïde aux traits humains, déclamant des dialogues, vient nécessairement remettre en cause nos acquis en matière de jeu d'acteur acceptable, ou reconnu comme bon.


La faible diffusion en salle de Sayonara, accentue encore plus l'urgence d'apercevoir l'objet filmique identifié comme inhabituel. Et l'envie de poser quelques mots à son endroit.


Ceci résume en quelques mots ce qui m'a conduit vers le dernier film en salle de Koji Fukada, que je découvrais par la même occasion, profitant de l'invitation d'un pote à l'accompagner voir ce film alors que je pensais je pas pouvoir le voir sur un écran aixois et encore moins sur Marseille.
C'est sans compter sur les bonnes surprises que nous réserve le Gyptis, et je dois confier qu'on va finir par y prendre goût. Et c'est tant mieux.


_


Il y a donc cette femme, sa maladie incurable, son androïde, son amie, son amant. Son mal-être, son corps éteint. Et ce Japon qu'on évacue. Et ces poèmes déclamés.


Koji Fukada déroule son adaptation d'une pièce de théâtre et confère à son film une lenteur mortifère, Tania attend bien plus la mort que l'éventualité de son évacuation vers d'autres horizons.
Tania étant elle-même une réfugiée d'Afrique du Sud au Japon, elle n'attend plus grand-chose après cette catastrophe nucléaire.


Grâce aux personnages qui viennent tour à tour la sortir de sa léthargie, nous auront droit à quelques échanges entre humains, bien souvent autrement plus graves que les interactions entre Tania et Leona (son androïde).


Il pourra être question de la légitimité de la violence après plus de 300 ans d'occupation, d'oppression blanche. Le dialogue entre cette enfant issue d'une famille de riches exploitants agricoles et son amant dont les parents ont quitté la Corée pour le Japon est assez percutant.
Le désespoir transpire depuis l'écran jusque sur votre peau. L'absence et une attente cruelle sont aussi de la partie.


Le film n'est pas avare en moments forts comme cette escapade en voiture pour les deux amies. Cette rencontre nous comble presque avec une petit euphorie, bienvenue dans cet océan de déprime qui inonde le film.


La vérité revient aussitôt emplir l'habitacle du véhicule après cette parenthèse salvatrice.
Le film est dur. Il convoque la joie pour mieux l'annihiler. La réduire en cendres, quand la détresse prend le dessus et que la fin est évidente. Le feu de joie devient un autel sacrificiel accueillant votre dernier sursaut de lucidité. Et puis un cri.


C'est ici, précisément à ce moment que le film accuse le contrecoup suite à ce temps fort. Il commence à me perdre juste après.


Jusque-là, il m'avait semblé assister à ce que j'aime le plus chez n'importe quel cinéaste : la maitrise.
Il faut écouter ces moments où Leona déclame des poèmes, en japonais, en anglais et alors que Koji privilégie son actrice humaine à l'image, les mots prononcés par l'androïde vous touchent. La justesse parvient alors à émerger. C'est un sentiment qui m'a frappé, le blocage de départ disparait et ce sont presque à des moments de grâce auxquels nous assistons.


Et cela je veux louer.


C'est pour cette raison que j'aimerais, que, toi aussi, tu ailles le voir, parce qu'il y a quelque chose de beau là-dedans.


Alors oui, j'ai noté 5 et je l'ai glissé dans le sondage "les meilleurs films de 2017", cela peut paraitre contradictoire…


Il se trouve que j'ai un mal fou à accepter de voir un réalisateur réduire tous ses efforts à néant en ne sachant pas trop comment finir son film.


Oh, bien entendu que Koji savait comment finir son film, mais peut-être n'avait-il pas pensé que cela pourrait déplaire ou paraitre trop long, trop vain. Ou peut-être que c'est juste moi, ça se tient aussi bien.


Bien sûr, tout fini par faire sens mais la beauté fugace présente à la fin n'efface pas les longues minutes passées devant se corps nu qui subit les ravages du temps.



xoxo


Kenshin
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le 24 mai 2017

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