Dans Le Magicien d’Oz, l’épouvantail se plaignait de ne pas avoir de cerveau. Mais il aurait pu être soulagé de ne pas avoir joué dans ce film écervelé où une créature en paille et en vieux tissus va trancher dans le lard.
Avant que l’épouvantail ne sorte ses griffes, c’est de Lester dont nous faisons la connaissance. Un adolescent brimé par tout le monde, sa mère, ses camarades de classe, son patron, et j’en passe, de quoi fournir une longue liste de noms à rayer. Lester se fait tuer par le compagnon de sa mère, mais sa conscience va se transférer dans un épouvantail à proximité. Entre deux parties de cabrioles et de cache-cache, l’épouvantail va se venger.
La liste des défauts du film est longue. Rien ne va. Filmé en une poignée de jours, il se veut un hommage aux slashers des années 1980 et 1990. Mais il ne sait pas choisir entre le premier et le second degré.
Cela passe notamment par les personnages, tous plus clichés les uns que les autres. Il y a la mère gentille mais indigne, qui fornique à côté de son fils, les flics trop sérieux et toutes les caricatures présentes dans les films pour adolescents avec le sportif bête, la blonde vénale, la professeur ingrate ou la brune qui veut aider Lester. Ce dernier est joué par un acteur bien trop vieux pour le rôle, qui possède bien la trentaine. Il s’appelle Tim Young, ce qui devait être la raison principale de le prendre pour le rôle. C’est déjà assez difficile de jouer l’adolescent quand on est marqué par l’âge, mais l’acteur en fait un petit enfant penaud, confondant timidité et naïveté enfantine.
De manière générale, c’est très mal joué. L’excès de certains personnages, l’amant de la mère ou le patron du restaurant (le réalisateur qui économise ainsi un rôle), fait penser que le film tente de jouer sur le second degré, mais n’y arrive pas. Il n’a rien de bien drôle quand il semble s’y essayer, ne provoquant que consternation.
A la liste des particularités du film, il faut noter sa réalisation. Le film est réalisé par Emmanuel Itier, Français exilé aux Etats-Unis dans les années 1980. Il faut souligner l’étrange fascination du metteur en scène pour les plans de nuages ou du champs de blé. Au vu de la relative médiocrité du reste des scènes, il faut reconnaître que ces plans inutiles sont pourtant parmi les plus agréables à voir. Tout le film est d’ailleurs enveloppé d’un filtre jaunasse qui n’a rien d’angoissant, qui rappelle plutôt l’urine.
Enfin, précisons des problèmes de montage, qui semble avoir été précipité. On se retrouve ainsi avec une scène où deux jeunes parlent d’une mort qui n’est pas encore arrivée ou un policier dire après un banal meurtre « J’ai jamais vu de crime aussi atroce » alors qu’il vient juste de voir avant un jeune avec un épi de mais dans une oreille. Sans oublier quelques problèmes de raccords entre les scènes.
C’est parfois tellement navrant qu’on se demande à quel point le film prend son spectateur pour un idiot, comme le flashback de la mort de Lester vingt minutes après celle-ci. Pour être sûr qu’on comprenne bien que Lester a été tué et que son esprit est allé habiter un épouvantail. Merci, les trois litres de bière bus pendant ces vingt minutes m’avaient grillé les neurones.
Heureusement, il y a ce bon épouvantail, dont l’allure physique est travaillée et réussie. Je n’aimerais pas le croiser au détour d’un champ de mais, heureusement ce n’est pas une destination fréquente. Mais puisque le film devait contenir un peu de second degré, l’équipe en a fait un ninja bondissant, aux punchlines sans grand impact. Puisqu’il va nous débarrasser de tous les personnages insupportables du film, c’est un soulagement de le voir arriver. Le décompte de morts est élevé, et les exécutions sont assez bien faites, assez fortes. Elles sont assez classiques, mis à part l’emploi d’un épi de mais à un endroit peu adapté à la situation.
En oscillant entre premier et second degré, le film n’arrive à être convaincant d’aucune façon, que ce soit dans son histoire, ses personnages ou son humour. Tout est mal fait, au point d’en être risible. C’est au spectateur d’entrer dans un nouvel état de conscience cosmique, c’est à lui d’appliquer le n degré, pour supporter un film dont le seul mérite est d’attendre que les personnages idiots meurent l’un après l’autre.
Et le film a eu deux suites ! Toutes deux aussi mal appréciées que le premier. Un tel effort de persévérance dans l’erreur est inquiétant.