Une vieille licence a la vie dure. Plus son heure de gloire s'éloigne, plus elle se replie sur elle-même. Dans le genre, la dernière décennie fut particulièrement douloureuse pour la franchise slasher Scream. Le quatrième volet est passé inaperçu, la série dérivée fut annulée, et la disparition de Wes Craven sonnait comme le dernier clou dans le cercueil réservé à la saga. Puis la grande sœur Halloween est revenue en fanfare, symbole d'une époque où la nostalgie est devenue la valeur refuge pour l'industrie. Donc pourquoi se priver d'un cinquième volet ? Officiellement, on gomme le numéro - synonyme de rabâchage - comme note d'intention : promis, on revient à l'original. Officieusement, le titre le plus approprié est bien Scream V.
Auteurs du petit succès Wedding Nighmare, Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett s'imposent comme le choix de l'évidence pour rendre hommage au regretté Wes Craven. Ils ont l'humilité, l'envie et les sarcasmes, c'est déjà bien. Sauf que l'acide, les suites du film d'horreur méta nous l'ont servi à toutes les sauces. Il devenait même le carburant du quatrième, qui inversait la tendance en maximisant la satire pour prendre à revers avec un twist bien vu, bien tordu, totalement adapté à un temps qui est toujours le notre. En somme, la boucle était bouclée. Ce chapitre 5 en a conscience, il fait donc le choix de...ne rien ajouter.
La sentence est lapidaire mais pour tout dire, c'était la plus indulgente envers Scream V eut égard à certains poncifs qu'on croirait extraites des pires navetons. Le long-métrage les joue au premier degré alors que c'est le genre de travers que ses prédécesseurs raillaient (avant de s'y engouffrer dans le 3). On est donc rassuré de retrouver de temps à autre l'ironie caractéristique de la franchise pour compenser la très mauvaise idée de départ (liée à Sam, l'héroïne). Certaines piques envoyées à la mode du recyclage sont amusantes (requels, legacyquels, bonjour les néologismes affreux), il faut quand même avouer que ces traits d'esprit ne sont que des redites. La révérence est sincère mais empotée.
Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett peuvent s'amuser avec certains codes lors de séquences jouant habilement les effets de manche ou le hors-champ, ce n'est jamais pour les renverser. On en revient rigoureusement aux mêmes finalités, ce qui a le don d'agacer puisque Scream V ne va jamais au bout des choses. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas y trouver son compte, par exemple lors d'une introduction plutôt pas mal. Pour ma part, je retiens surtout une séquence à l'hôpital extrêmement bien exécutée. Pour ainsi dire, le moment où les planètes s'alignent, la mise en scène se trouve et la tension grimpe inexorablement. Le reste du temps, les réalisateurs peinent à cadrer les lieux (Woodsboro existe à peine) pourtant primordiaux à l'instauration d'une ambiance. C'est notamment vrai dans son final. Pour les fans, la relecture bouffonne sera au mieux distrayante car très loin du carnage à l'œuvre dans le premier.
Aucun reproche à faire sur le casting, c'est bien tenu. Une partie des nouveaux ont de quoi faire même les moins bien traités. Sam est écrite n'importe comment, de fait je serai bienveillant envers Melissa Barrerra qui patauge avec élégance. Jack Quaid fait une belle entrée, rigolo sans être lourdingue. L'atout, c'est incontestablement Jenna Ortega, parfaitement crédible et investie. Sa seule concurrence, on la trouve chez...David Arquette, qui se paie le comeback le plus fort parmi les anciens. Courtney Cox a droit à son beau moment tout comme Neve Campbell, hélas le script (peu adroit) ne sait pas quoi faire avec elles.
Sur l'échelle de la saga, on se situe à peu près au niveau du deuxième volet. On alterne le bon et le mauvais, quelques moments qui tranchent mais surtout le plaisir de voir une distribution s'amuser. L'avenir nous dira si Ghostface est reparti pour une trilogie. Ce qui est sûr, c'est qu'il ne pourra pas continuer à tourner en rond s'il veut garder Scream dans les bonnes grâces du public.