Sorti au beau milieu des années 90 Scream de Wes Craven est incontestablement un film culte, et qu'il faut comprendre de la sorte afin de pouvoir l'apprécier a posteriori. Film culte au sens d'oeuvre générationnelle d'une part, film culte au sens d'hommage cinéphilique d'autre part ; deux conditions intimement liées par le réalisateur, ce dernier réunissant un casting proprement significatif composé principalement d'acteurs et d'actrices au look teenager tout en revisitant les codes du slasher sur le mode parodique. En ce sens Scream fut LE film d'horreur des années 90 et de ses adolescents gavés aux images violentes, des fans-boy écumants les vidéo-clubs et de l'imagerie sitcom comme mode culturel et/ou vestimentaire, le film d'une génération en proie au pouvoir des médias ( principal vecteur d'images en tous genres incarné ici par le personnage de Courteney Cox ).
Réflexion inégalement complexe sur le cinéma de genre ( parfois brillante car superbement écrite par le scénariste Kevin Williamson, qui est parvenu à construire une intrigue synthétique ainsi qu'efficace ; parfois moins réussie puisque beaucoup trop appuyée dans son étalage didactique, sorte d'oeuvre-commentaire des rouages du slasher qu'elle représente en un certain point, notamment à travers le personnage du jeune Randy ), Scream s'agit d'un véritable jeu interactif avec les références du public ( le cinéma de Joe Dante, celui de Wes Craven lui-même avec la citation de Freddy, Carrie de Brian De Palma pour l'unité d'action de la dernière demi-heure et surtout le film matrice que représente Halloween pour le genre...) en même temps qu'il emprunte constamment le registre du teenage-movie ( American Pie n'est plus très loin...), prenant la voie du décalage car a fortiori du commentaire cinématographique.
Scream démarre très fort et sans détours par une scène devenue anthologique par la suite ( les frères Wayans la citeront dans leur très médiocre saga des Scary Movie ), instaurant les règles du film et du genre en articulant ses dernières autour d'une figure emblématique de la jeunesse de l'époque : l'actrice Drew Barrymore, éternelle enfant star du chef d'oeuvre E.T. L'extra-terrestre. Sur une dizaine de minutes Craven réalise un prologue en forme de synthèse du slasher à lui-seul : utilisation du téléphone comme effet de manche nécessaire, huis-clos avec héroïne au visage angélique ou bien sûr figure du tueur psychopathe masqué... Point d'orgue de Scream cette séquence résume totalement le propos du film : comment dépasser le cadre de la pure fiction d'un genre aux codes éculés pour mieux les remettre en question dans un même mouvement ?
Si la suite du métrage laisse également place à la société des médias tout en gardant l'intrigue amorcée par le prologue ( nous en revenons à la réflexion sur l'image, qu'elle soit télévisuelle ou cinématographique...) elle reste peut-être en deçà de nos attentes : Scream finit par trop s'auto-commenter et s'écouter discourir au détriment de l'émotion pure, choquant davantage par son comique macabre ( le décalage ) que par son respect du slasher ( les 30 dernières minutes, intégralement concentrées autour de la maison d'une amie de l'héroïne, prolonge de manière permanente l'hommage direct au Halloween de John Carpenter sans jamais se départir d'une posture maligne, didactique ). Reste que l'ensemble s'avère intégralement prenant en paradoxe, témoignant d'une écriture étoffée ainsi qu'ambitieuse, le tout plutôt bien réalisé par Wes Craven...
Un bon film au final, certainement légèrement surestimé à l'époque de sa sortie mais a contrario dénigré aujourd'hui, probablement faute à sa démarche parodique trop lourde et ambivalente. Le déferlement citationnel reste à mon sens au service d'une intrigue brillante mais finalement habitée par des personnages pas assez développés, trop limités dans leur caricature aussi. Il reste toutefois une référence doublée d'un culte légitime, à voir absolument.