Scream
6.8
Scream

Film de Wes Craven (1996)

Sorti au beau milieu des années 90 Scream de Wes Craven est incontestablement un film culte, et qu'il faut comprendre de la sorte afin de pouvoir l'apprécier a posteriori. Film culte au sens d'oeuvre générationnelle d'une part, film culte au sens d'hommage cinéphilique d'autre part ; deux conditions intimement liées par le réalisateur, ce dernier réunissant un casting proprement significatif composé principalement d'acteurs et d'actrices au look teenager tout en revisitant les codes du slasher sur le mode parodique. En ce sens Scream fut LE film d'horreur des années 90 et de ses adolescents gavés aux images violentes, des fans-boy écumants les vidéo-clubs et de l'imagerie sitcom comme mode culturel et/ou vestimentaire, le film d'une génération en proie au pouvoir des médias ( principal vecteur d'images en tous genres incarné ici par le personnage de Courteney Cox ).


Réflexion inégalement complexe sur le cinéma de genre ( parfois brillante car superbement écrite par le scénariste Kevin Williamson, qui est parvenu à construire une intrigue synthétique ainsi qu'efficace ; parfois moins réussie puisque beaucoup trop appuyée dans son étalage didactique, sorte d'oeuvre-commentaire des rouages du slasher qu'elle représente en un certain point, notamment à travers le personnage du jeune Randy ), Scream s'agit d'un véritable jeu interactif avec les références du public ( le cinéma de Joe Dante, celui de Wes Craven lui-même avec la citation de Freddy, Carrie de Brian De Palma pour l'unité d'action de la dernière demi-heure et surtout le film matrice que représente Halloween pour le genre...) en même temps qu'il emprunte constamment le registre du teenage-movie ( American Pie n'est plus très loin...), prenant la voie du décalage car a fortiori du commentaire cinématographique.


Scream démarre très fort et sans détours par une scène devenue anthologique par la suite ( les frères Wayans la citeront dans leur très médiocre saga des Scary Movie ), instaurant les règles du film et du genre en articulant ses dernières autour d'une figure emblématique de la jeunesse de l'époque : l'actrice Drew Barrymore, éternelle enfant star du chef d'oeuvre E.T. L'extra-terrestre. Sur une dizaine de minutes Craven réalise un prologue en forme de synthèse du slasher à lui-seul : utilisation du téléphone comme effet de manche nécessaire, huis-clos avec héroïne au visage angélique ou bien sûr figure du tueur psychopathe masqué... Point d'orgue de Scream cette séquence résume totalement le propos du film : comment dépasser le cadre de la pure fiction d'un genre aux codes éculés pour mieux les remettre en question dans un même mouvement ?


Si la suite du métrage laisse également place à la société des médias tout en gardant l'intrigue amorcée par le prologue ( nous en revenons à la réflexion sur l'image, qu'elle soit télévisuelle ou cinématographique...) elle reste peut-être en deçà de nos attentes : Scream finit par trop s'auto-commenter et s'écouter discourir au détriment de l'émotion pure, choquant davantage par son comique macabre ( le décalage ) que par son respect du slasher ( les 30 dernières minutes, intégralement concentrées autour de la maison d'une amie de l'héroïne, prolonge de manière permanente l'hommage direct au Halloween de John Carpenter sans jamais se départir d'une posture maligne, didactique ). Reste que l'ensemble s'avère intégralement prenant en paradoxe, témoignant d'une écriture étoffée ainsi qu'ambitieuse, le tout plutôt bien réalisé par Wes Craven...


Un bon film au final, certainement légèrement surestimé à l'époque de sa sortie mais a contrario dénigré aujourd'hui, probablement faute à sa démarche parodique trop lourde et ambivalente. Le déferlement citationnel reste à mon sens au service d'une intrigue brillante mais finalement habitée par des personnages pas assez développés, trop limités dans leur caricature aussi. Il reste toutefois une référence doublée d'un culte légitime, à voir absolument.

stebbins
8
Écrit par

Créée

le 13 juil. 2015

Critique lue 259 fois

1 j'aime

stebbins

Écrit par

Critique lue 259 fois

1

D'autres avis sur Scream

Scream
Lehane
9

Don't kill me, I wanna be in the sequel !

Le hic avec Scary Movie, c'est qu'en parodiant Scream, il parodie une parodie ce qui, forcément, conjure vers une caricature grotesque et grasse d'un genre qu'avait déjà fait renaître Wes Craven en...

le 19 juin 2014

73 j'aime

13

Scream
Sergent_Pepper
7

In the fame of the slasher.

20 ans après sa sortie, Scream reste un jalon assez subtil du cinéma d’épouvante, et plus particulièrement du slasher. Alors que le genre est en déshérence et que l’un de ses pères, Wes Craven, tente...

le 26 nov. 2016

60 j'aime

1

Scream
Gand-Alf
8

La ville qui craignait le crépuscule.

En état de mort cérébrale à la fin des années 80 suite à une surabondance de productions de plus en plus navrantes et à un manque d'intérêt d'un public privilégiant une horreur plus "mainstream" (les...

le 25 oct. 2015

55 j'aime

6

Du même critique

La Prisonnière du désert
stebbins
4

Retour au foyer

Précédé de sa réputation de grand classique du western américain La Prisonnière du désert m'a pourtant quasiment laissé de marbre voire pas mal agacé sur la longueur. Vanté par la critique et les...

le 21 août 2016

45 j'aime

9

Hold-Up
stebbins
1

Sicko-logique(s) : pansez unique !

Immense sentiment de paradoxe face à cet étrange objet médiatique prenant la forme d'un documentaire pullulant d'intervenants aux intentions et aux discours plus ou moins douteux et/ou fumeux... Sur...

le 14 nov. 2020

38 j'aime

55

Mascarade
stebbins
8

La baise des gens

Nice ou l'enfer du jeu de l'amour-propre et du narcissisme... Bedos troque ses bons mots tout en surface pour un cynisme inédit et totalement écoeurrant, livrant avec cette Mascarade son meilleur...

le 4 nov. 2022

35 j'aime

6