Dans l'univers archi-codifié du slasher, the final girl désigne la fille qui survit au massacre de ses congénères pour asséner un grand coup de couteau (en l’occurrence, de machette) au tueur dans le dernier quart du film, histoire de mettre un terme à la boucherie. Pour ce faire, elle doit répondre à un critère bien précis et déterminant si elle espère rester en vie – Number one : you can never have sex, comme nous le rappelait Randy il y a vingt ans – : sa virginité, qui la sauvera d'une forme d'évincement punitif officieux. Laurie chez Carpenter ou encore Sidney chez Craven.
Dès son titre, The Final Girls s'anticipe alors comme un film-hommage à un genre qu'il s'amuse à démanteler et parodier de manière jusqu'auboutiste, pastiche amusant entre Vendredi 13 – à qui il emprunte de manière évidente le cadre et l'intrigue – et Last Action Hero, jouant sur la réflexibilité de la fiction sur la réalité, autour de l'histoire d'un groupe de jeunes, qui, comme Danny face à Jack Slater, sont projetés dans un slasher culte des années 80 dans lequel figurait justement la mère décédée de l'héroïne.
Partant d'un postulat sympathique hypothétiquement capable de donner lieu à des moments jouissifs et au potentiel comique insatiable – également dans la confrontation entre les deux époques –, The Final Girls s'inscrit dans la descendance directe de Scream (néo-slasher ultime à mes yeux) dans l'aspect méta qu'il induit dès son premier acte, et qu'il concrétise dans un processus de mise en abîme ultime : les personnages, qui, comme les spectateurs, connaissent plus ou moins bien les ficelles du genre, n'ont d'autres choix que de jouer le jeu s'ils veulent survivre au film et en sortir.
De ce fait, point fort dommageable, The Final Girls n'entreprend jamais de briser les règles mais les poussent au contraire à leur paroxysme (quand les personnages se servent notamment d'une séance de strip-tease pour attirer le tueur et le piéger). En découlent alors des scénettes amusantes mais désarticulées, qui dénoncent de façon indirecte l'utilisation excessive de ressors désuets (et sexistes) tout en les réemployant à l'extrême dans une visée parodique parfois trop outrageuse et qui n'a pas forcément la finesse référentielle de Scream.
Ainsi, Todd Strauss-Schulson s'amuse comme un petit fou, et ça se sent, à se retrancher au maximum dans un délire formelle et sonore qui sert encore une fois totalement l'aspect comique et méta du film dans le film, et dont les personnages ont conscience et vont même jusqu'à profiter : scènes qui tournent (littéralement) en boucle, slow-motion qui les ralentit dans l'action, flashback qu'ils réutilisent pour fuir le meurtrier, générique de fin dans lequel ils se retrouvent coincés malgré eux, musiques angoissantes à mesure que le danger approche.
Mais le film s'embourbe également dans l'histoire personnelle du personnage de Taissa Farminga (particulièrement touchante et qui, après AHS, prouve qu'elle a un potentiel dans la catégorie morbide assez impressionnant) et de la disparition de sa mère. La relation mère / fille, qui se traduit par la volonté obsessionnelle de cette-dernière à ramener le personnage incarnée par sa désormais défunte mère dans son monde, est émouvante, mais l'on a plutôt l'impression qu'elle est utilisée comme prétexte en filigrane pour l'intrigue et se retrouve au final relativement desservie voire malvenue dans un contexte horrifico-parodique qui ne lui laisse pas le temps d'acquérir une réelle ampleur émotionnelle.
Élément positif, elle rajoute cependant de la matière au thème sous-jacent, quoi qu'à mon avis sous-exploitée au profit des gags qui structurent (trop intempestivement) le film, soit l'illusion qui anime les personnages. Autant celle du fanboy que celle de Max, l'héroïne, qui vivent par procuration, mais dans l'erreur, et réalisent que la vraie vie n'est pas totalement comme au cinéma : on n'en connaîtra jamais vraiment les lois, et même si c'était le cas, ça n'en serait pas plus un gage de survie. Peut-être vaut-il mieux vivre dangereusement plutôt que de vouloir expliquer l'ineffable et l'absurde (l'accident de voiture de la séquence d'ouverture) : autre forme d'illusion existentielle.
En tout cas, c'est quand même la vierge qui élimine le psychopathe.