Donnez-lui ma peau
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Dans la lignée des films comme "Z" ou "l'aveu" ou d'autres, Costa-Gavras signe avec "Section Spéciale", un film sur les relations ambiguës et complexes entre Justice et pouvoir politique en période de dictature. Ici, il considère le contexte de la France occupée et la France Vichyste en 1941.
Après qu'un attentat sur un officier allemand dans le métro parisien a été commis, le gouvernement de Vichy veut anticiper d'éventuelles représailles sur la population et organise, en urgence, des tribunaux d'exception pour juger des résistants ou d'une façon générale des opposants au régime ainsi que gens innocents mais considérés alors indésirables (suivez mon regard).
Entendons-nous bien, il ne s'agit pas de juger les auteurs de l'attentat qui sont inconnus et a fortiori introuvables. Il s'agit de juger des gens déjà emprisonnés voire même déjà jugés afin de servir à l'occupant un quota de condamnations.
Mais pour que ça ait l'air à la fois vraisemblable et officiel, le ministre de l'intérieur (de sinistre mémoire) Pierre Pucheu fait en vitesse bricoler une loi d'exception rétroactive qu'il antidate et fait endosser à l'ensemble du gouvernement. Une fois ceci fait, il sait bien qu'on trouvera toujours les gens qui vont mettre en application la loi. Il suffit de flatter les bons et bas instincts de l'homme : la flatterie, l'ambition, le sens du devoir, la lâcheté. Ici, il n'y a même pas besoin de payer pour disposer des gens dévoués, c'est dire.
D'un point de vue mise en scène, Costa-Gavras a minutieusement reconstitué l'époque, le gouvernement de Vichy installé dans des hôtels et surtout les différentes étapes et manœuvres politiques ayant conduit à l'élaboration de ces tribunaux d'exception. L'histoire est un peu hallucinante (vue avec nos yeux actuels) mais pourtant tout-à-fait véridique.
Le casting est lui-aussi – comme souvent chez Costa-Gavras – impressionnant.
Michael Lonsdale fait un Pierre Pucheu bien onctueux et le véritable maître de la situation, partisan d'une collaboration active avec les allemands, au moins à cette époque …
Louis Seigner fait un garde des sceaux, Joseph Barthelemy, présenté comme au fond honnête mais facilement manipulable. Dans la vraie vie, il semble bien avoir été très largement compromis notamment dans la loi sur le statut des juifs de 1941…
François Maistre soigne son personnage de plénipotentiaire français auprès des autorités d'occupation, Fernand de Brinon. Autrement dit, grand collaborationniste convaincu. Le film susurre qu'il a quand même restauré son château de famille grâce à des fonds secrets bienvenus.
Claude Piéplu joue le rôle du nouveau président de la Section Spéciale, une opportunité pour sa carrière qui ne se refuse vraiment pas à son âge. Il est excellent comme toujours dans son personnage de vieux beau, ancien combattant, droit dans ses bottes, avec son inimitable accent cauteleux.
Un mot sur Michel Galabru, qu'on ne voit guère mais dans un rôle inoubliable. Considéré comme malléable et gentil par sa hiérarchie, il lui est proposé de prendre la présidence de la Section Spéciale. Finaud, il se renseigne pour se rendre compte de l'ignominie le faisant péter un plomb. J'avoue que j'aurais été déçu de le voir accepter.
Julien Guiomar, Pierre Dux, Jean Bouise, Jacques Perrin, Yves Robert, Jacques Rispal ou Bruno Cremer, tous excellents dans leurs rôles respectifs. Costa-Gavras les place dans des personnages où le spectateur a l'habitude de les voir. Pas de contre-emploi.
En conclusion, Costa-Gavras nous livre un féroce et convaincant film retraçant une page sombre de la Justice en France. Une bonne réflexion sur les rouages d'une dictature où le pouvoir politique interfère avec la justice.
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Créée
le 27 juin 2022
Modifiée
le 27 juin 2022
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