Le premier film de Gu Xiaogang est une merveille balzacienne et, il faut bien le dire, exigeante.
Grande fresque familiale qui partage son titre avec celui d’un rouleau peint de sept mètres du 14ème siècle, le film scrute la vie de quatre frères au bord de la Rivière Yangtsé, sur deux ans - ce n’est d’ailleurs que le premier volet d’un triptyque. Les travelling s’enchaînent, le réalisateur cherchant à reproduire l’impression que pouvait produire l’estampe ; à cette différence près : Gu Xiaogang semble toujours vouloir interroger l’infinitésimale place d’un homme perdu au milieu d’un paysage qu’il a contribué à produire.
Les 2h30 de pellicule sont ici justifiées par la fluidité de l’intrigue : dans une structure où quatre personnages (au moins) ont leurs trajectoires propres, rien n’est confus. On y parle relations avec ses parents, mariage arrangé et argent évidemment, mais aussi changement.
« On a vécu ici pendant trente ans et ils ont mis trois jours à
démolir »
Ces frères ne sont pas franchement intégrés au mouvement de rénovations massives lancé par le gouvernement chinois. Leur quartier change, l’aîné voudrait faire de son restaurant une franchise mais peine à trouver les fonds nécessaires - sans compter sur la descente de gangsters qui viennent réclamer le payement des dettes du benjamin alors introuvable.
On se demande comment payer les frais médicaux de la grand-mère puis du petit fils trisomique ; on finit par se rendre compte que la famille est au-dessus de tout, on se rabiboche (une fois remboursés).
La police fait une descente sous la neige dans un tripot illégal ; un manoeuvre lit les lettres d’amants trouvées dans un immeuble en démolition ; les panoramiques s’enchaînent et Gu Xiaogang capte un moment transitoire où la modernité est encore hésitante : les monts Fuchun sont sublimes.