Premier épisode d'une trilogie à venir, Séjour dans les monts Fuchun est l'éclosion sous nos yeux d'un futur grand cinéaste, dont la mise en scène, d'emblée reconnaissable et unique, allie immenses plans-séquence chorégraphiés avec précision et multiplication des pans de lecture dans un même plan, faisant de son apparente épuration une richesse rare et un vrai plaisir cinéphile.
Gu Xiaogang livre avec une grande lisibilité le mariage souvent subtil de la forme et du fond.
Grâce à sa caméra et son sens précis du son comme instrument de tri et de guide du regard dans des plans très larges et chargés, le cinéaste multiplie les parallèles entre générations et raconte sans hâte l'histoire d'une famille, de la grand mère, matriarche sur le déclin, à ses enfants et petits enfants, confrontant trois visions du monde, de l'amour et de la vie, qui chacune juge les autres, et dessinant, en toile de fond de ce récit bienveillant et apaisé, la transformation radicale de la société chinoise, et la nature rattrapée par le béton et l'industrialisation.
Dommage que dans cet ample récit familial, l'élégance du temps qui passe et la maîtrise totale de l'image soient par moments remplacés par l'ennui et la prétention.
On sent l'attachement évident du réalisateur à la ville dont il fait le portrait. On sent dans les éléments de récit qu'il raconte des traces de vérité vécue ou connue.
On ressent pourtant peu d'émotion dans ce récit qui, à force de tourner autour d'enjeux répétitifs (l'argent, la grand-mère notamment), et ce dans un rythme âpre et soporifique (2h30, en plus), retient progressivement l'intérêt d'un spectateur dont il demande déjà pourtant beaucoup de concentration et d'attention par ses plans allongés à l'extrême.
La ritournelle alourdie du "tu vis pour moi, je vis pour toi", où chacun critique les modes de vie de l'autre tout en étant lui-même tout aussi critiquable lassent à la longue. On leur préférera donc les moments d'union autour de la grand-mère, qui parvient à rapprocher tout le monde (notamment dans son beau final), et sauvent le spectateur de l'ennui. Il parvient même à de rares moments à l'émerveiller par touches de beauté et de simplicité, qui donnent alors de l'émotion à un film qui en manque du fait de la trop grande assurance de son réalisateur dans son talent et de son rythme parfois pénible.
On attend donc avec hâte les deux films suivants.