Ici, le point fort est à mes yeux et assez largement un humour grinçant et parfois décapant. Qui tourne, de façon jubilatoire, en dérision les pratiques sociales et sociétales introduites par la diffusion et l'utilisation massive des réseaux sociaux, sites internets et messageries en tout genre. Tout y passe : nombre de vues sur Youtube, trolls, applications de rencontres amoureuses, vente en ligne, pratique de l'évaluation en ligne pour un oui ou pour un non, etc...Pour qui apprécie que l'humour se teinte un peu de noir, certains gags sont absolument hilarants. Il ne faudra par contre pas y chercher une quelconque critique des conséquences de la digitalisation à outrance de notre société, à la manière d'un "Sorry, we missed you" par exemple. Le parti pris du film est d'être léger et sa tonalité est celle d'une comédie sentimentale urbaine, cela étant facilité par le milieu social dans lequel évoluent ses protagonistes.
Il faut également savoir que c'est un film à sketches, et dont la construction est plutôt réussie. Cinq histoires en tout, avec quatre d'entre elles qui s'enchainent et une cinquième en guise de fil rouge et dont le déroulement s'étale donc sur toute la durée du film. Et l'on retrouve les personnages secondaires de certains des sketches en tant que personnages principaux des autres, et vice-versa. Une manière de nous suggérer que le monde, connecté, est un devenu grand village ? Allez savoir...
Sauf que tout de même, Selfie se déroule dans un milieu un peu restreint, à savoir ici composé de gens cultivés (des profs) et relativement aisés (des cadres d'entreprises engagées, disons dans la transformation numérique), cela du moins s'agissant de ses quatre sketches hors fil rouge. Et si l'on ajoute que le cadre géographique en est la région parisienne, cela réduit un peu l'étendue du grand village, même en considérant que l'Ile de France est une région très peuplée. Faut-il y voir une entorse au réalisme ou juste à cette idée de grand village connecté ? Peut-être, mais ce n'est pas très important. Si - durant le visionnage - on ne traverse jamais la fracture numérique, ce n'est pas non plus le propos du film que de le faire. Et, d'un autre côté, ces interconnexions entre personnages participent à la qualité de la construction scénaristique et contribuent indéniablement à rendre le film agréable à regarder.
Au final, un bon film, à voir en particulier un dimanche après-midi, lorsque le lundi commence à se profiler. Les acteurs sont dans l'ensemble au niveau attendu et on sent qu'ils se font plaisir, avec une mention spéciale à Blanche Gardin et à Elsa Zylberstein. Une petite réserve tout de même sur le quatrième et dernier sketch, qui est un brin convenu, tire un peu trop sur la corde du grand guignol et tombe du coup un tantinet à plat. Pour autant, mon appréciation d'ensemble reste, selon la formule consacrée, globalement positive.