Selon Charlie
5.1
Selon Charlie

Film de Nicole Garcia (2006)

Nicole Garcia met en scène quatre grands acteurs dans un film choral pessimiste à la mécanique trop glaciale pour susciter la moindre émotion.


Après s’être librement inspirée de l’histoire de la vie double et meurtrière de Jean-Claude Romand dans L’Adversaire, Nicole Garcia poursuit son exploration de la face cachée d’hommes torturés avec Selon Charlie, film choral présenté au Festival de Cannes en 2006 dans lequel elle retrouve Jean-Pierre Bacri après l’avoir fait jouer dans son Place Vendôme et fait pour la première fois se rencontrer trois autres grands acteurs, Vincent Lindon, Benoît Magimel et Benoît Poelvoorde. Selon Charlie met ainsi en scène sept personnages au cœur d’une ville morose au bord de l’Atlantique en pleine saison morte, et de sept destins au bord du gouffre au cœur d’un drame ambitieux et touchant malheureusement empesé de longueurs et d’un parfum d’inabouti.


Mélodrame humain


Il y a très tôt dans Selon Charlie un parfum de mystère et une sécheresse trop appuyés nuisant rapidement à l’équilibre du dispositif très ambitieux de ses sept destins croisées. Le décor est ainsi aussi morose que ses protagonistes, pas à la fête à cause de vies au bord du gouffre et d’un véritable basculement qui aura bientôt raison de leurs existences monotones. Ainsi, malgré des prestations formidables et quelques instants véritablement touchants, le long-métrage de Nicole Garcia, à force de trop d’importance donnée à une atmosphère appuyée d’un climat émotionnel glacial, finit par purement et simplement étouffer toute émotion, faisant résonner dans le vide des prestations rongées par un dispositif bien trop mécanique. Si les acteurs sont ainsi tous formidables, leurs personnages n’auront ainsi que trop peu de place pour véritablement l’emporter de ce tableau pessimiste des tréfonds de l’âme humaine, trop noyé dans sa froideur pour instiller la moindre humanité.


C’est ainsi lorsque sa mécanique se relâche que Selon Charlie prend enfin le temps de souffler et de laisser un peu d’espace à ses formidables acteurs que le film de Nicole Garcia montre le meilleur. Suspendu durant quelques brefs instants, l’on pourra ainsi assister à plusieurs scènes transcendant ce climat de morosité ambiant pour révéler le côté le plus touchant et le plus lumineux de ce trop lourd récit choral. La rencontre entre Jean-Pierre Bacri et Benoît Poelvoorde en fait ainsi clairement figure d’exemple, lorsqu’assis face à face au-dessus d’une plage désolée, les deux personnages semblent laisser de côté leurs destins malheureux pour une discussion surréaliste sur le Hulk de Ang Lee. Le personnage de Vincent Lindon, père mentant sur son emploi du temps à une Valérie Benguigui ivre de jalousie, jouant avec son fils à la piscine dans laquelle il exerce en tant que maître-nageur (comme dans le bouleversant Welcome) en fait aussi clairement partie, rejoignant à renforts de lumières et de chaleur humaine ce long-métrage qui en choisit tête baissée l’exact opposé.


Personnages au bord du récit


Les personnages de Patrcik Pineau, Benoît Magimel et du jeune sportif en quête de liberté campé par Arnaud Valois se font ainsi la parfaite illustration des lacunes évidentes de Selon Charlie. Passant leur temps à jouer de tristes monolithes, et devant patiemment attendre la conclusion pour se dévoiler et que leurs rôles puissent enfin respirer et arrêter de se cantonner à de jolies pages blanches inutilement moroses que le long-métrage de Nicole Garcia se plaît à dépeindre jusqu’à l’overdose. Il est ainsi dommage que de ce lourd récit choral où la nature humaine paraît sous ses traits les moins flatteurs, l’on se plaise à ne retenir que les moments de lumière où jaillissent enfin les talents de l’impressionnant casting de Selon Charlie. La faute à une volonté artistique trop auteuriste et radicale misant tout sur le mystère et la noirceur, comme une inutile élongation de l’Adversaire, précédent long-métrage de Nicole Garcia, et d’un récit qui n’en demandait pas tant.


Trop lourd et trop mécanique pour susciter la moindre émotion, l’on ne retiendra étonnamment de ce sombre tableau de la nature humaine que ses maigres instants de lumières. Malheureusement, Selon Charlie semble se complaire à jouer les oiseaux de mauvaise augure, même lorsque cela nuit fortement à son récit, quitte à laisser ses acteurs comme ses spectateurs de côté.


Critique à retrouver (avec bien d'autres) sur cinefocus.fr

QuentinBombarde
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films avec Jean-Pierre Bacri

Créée

le 23 janv. 2021

Critique lue 412 fois

1 j'aime

QuentinBombarde

Écrit par

Critique lue 412 fois

1

D'autres avis sur Selon Charlie

Selon Charlie
Guillaume_Leyssenot
4

Critique de Selon Charlie par Guillaume Leyssenot

Ce qui sauve ce film ennuyeux, ce sont ses acteurs. Le propos est bourgeois et sans intérêt, il est question d'histoires de tromperies, d'êtres qui se croisent et qui n'ont comme identité que celle...

le 19 août 2014

5 j'aime

Selon Charlie
QuentinBombarde
6

No Man's Land

Nicole Garcia met en scène quatre grands acteurs dans un film choral pessimiste à la mécanique trop glaciale pour susciter la moindre émotion. Après s’être librement inspirée de l’histoire de la vie...

le 23 janv. 2021

1 j'aime

Selon Charlie
lehibououzbek
7

Rien ne sera jamais plus comme avant

Selon Charlie est un film aussi troublant qu'authentique, mettant en scène 7 personnages en quête d'eux-mêmes. Ils se croisent, s'approchent, se loupent puis se rencontrent au gré de la vie. Se...

le 8 févr. 2014

1 j'aime

Du même critique

Jusqu'à l'aube
QuentinBombarde
3

Jusqu'à la loose

Jusqu'à l'aube aurait pu être un concept plutôt sympathique. Des épisodes de 20 minutes dans lesquels un trio d'humoristes est lâché une nuit jusqu'aux premières lueurs du jour dans un lieu soi...

le 11 janv. 2020

25 j'aime

3

Hippocrate
QuentinBombarde
7

Urgence de l'instant

Après avoir sur plusieurs longs métrages traité le thème médical dans toutes ses largeurs, l'ex médecin généraliste Thomas Lilti enfonce le clou (ou la seringue) avec la série Hippocrate qui suit...

le 29 nov. 2018

24 j'aime

2

Énorme
QuentinBombarde
7

La Femme en Sainte

Énorme c'est également la place qu'occupe Jonathan Cohen en cette rentrée particulière. Présent cet été dans Terrible Jungle, et à l'affiche d'une série Netflix et Canal +, l'acteur est omniprésent,...

le 4 sept. 2020

18 j'aime

1