La chaleur du mois d'août invite à se réfugier au cinéma climatisé, encore plus lorsque ce dernier propose une retrospective de Visconti. Le réalisateur du Guépard, affectionne ce style rococo, bourgeois et mièvre. Dans Senso, Venise se pare de son costume de guerre, une guerre romantique à l'italienne. Le personnage principal tombe amoureux d'un soldat prussien. D'abord sur ses gardes, elle contrôle la relation et met à distance les sentiments afin de jouir impunément dans les bras de son amant. Mais l'engouement apparait et l'attachement la soumet à ce soldat. Naguère "fille de l'Italie", elle devient soumise à l'envahisseur en lui donnant son corps, elle finira par lui offrir son pays. Le soldat au début très antipathique à l'oeil du spectateur notamment lorsqu'il déblatère un laïus sur la difficulté de la position de "l'envahisseur". Il ose se plaindre du mauvais role affecté aux nations qui colonisent un pays *ouin*. Une nature abjecte qu'il gomme en demi teintes pour qu'après elle ressurgisse laissant apparaitre son vrai visage. Le goujat, l'arnaqueur de première, le briseur de coeur, le manipulateur.

La femme amoureuse et naive : en sortant du film, ma mamie me dit "quand meme elle est pas bien maligne", elle se fait avoir comme une bleue ! Alors oui c'est sur que nous on la voyait venir gros comme une maison l'entourloupe.... Pour autant, la Comtesse Livia elle, femme de son temps, n'a pas en sa possession toutes les références culturelles que nous possédons aujourd'hui. Ce qui nourrit notre méfiance, c'est le témoignage, l'expérience, la représentation. Mais la Comtesse, isolée dans tout le film elle est guidée par des hommes qui la manipulent (son cousin, son mari puis son amant). Elle ne semble pas avoir bénéficié d'une éducation et n'a vécu que peu d'histoires d'amour dans sa vie. Une ingénue de l'amour qui se livre à corps perdu dans ce qu'elle pense être l'idylle de sa vie. La fin à Vérone, ville des amours maudits, lorsqu'elle découvre le vrai visage de son amant, elle se transforme en furie. Tragédienne grecque, trainée dans la boue et humiliée elle perd son aspect humain dans une scène où elle pousse un cri terrible, s'arrache les cheveux et fuit l'oeil du spectateur dans les ruelles noires.

Le soldat chair à canon : personnage horrible, cupide, et pourtant si humain. Pourquoi vendre sa peau dans une guerre qui ne nous interesse point?

En sortant du cinéma, une chanson me reste en tête et ses paroles lapidaires. Quand on y pense, qui est de l'autre côté du fusil ? Un autre prolo... Quand l'aristocratie a le loisir de pouvoir résister ou trahir son pays pour une histoire de coeur, la chair à canon, elle, ne cherche qu'a survivre. Cette musique c'est "Paris pour un beefsteak". Un anachronisme que je me permets en ce qu'il s'agit d'une remise en question de la guerre par le peuple qui n'y trouve point d'intérêt et dénonce l'instrumentalisation des pauvres "chair à canon". Pourquoi se battre contre les prussiens qui tentent de prendre Paris alors que le peuple ne cherche qu'à mettre un bout de gras dans son plat ( sauce à l'échalote) https://www.youtube.com/watch?v=PvVpyTEFjr0moi

MarcelGide
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le 25 août 2024

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MarcelGide

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