Sept, c'est le nombre d'années et donc d'hivers qu'une toute jeune femme a passé dans les prisons inhumaines iraniennes avant d'y être pendue.


En 2007 à Téhéran, Reyhaneh Jabbari a 19 ans. C'est une jeune fille joyeuse et facétieuse qui vit dans une famille "moderne" et très aimante. Entourée de ses deux plus jeunes soeurs et de ses parents fous de leurs filles qu'ils ne cessent de couvrir de bisous et de compliments, elle rêve de devenir décoratrice d'intérieur et fait tout pour y parvenir en suivant des études.


Un jour à la terrasse d'un café, elle est au téléphone avec une personne qui lui confie des travaux de décoration. Un homme surprend la conversation, l'aborde et lui propose d'aménager un local qu'il entend transformer en cabinet médical. L'homme est médecin, Reyhaneh est euphorique à l'idée de cet éventuel nouveau contrat. Mais lorsqu'elle se rend sur place, il s'agit en fait de l'appartement de l'homme. Il tente de la violer. Elle se saisit d'un couteau et le blesse. Elle s'échappe mais l'homme meurt rapidement des suites de sa blessure. Le cauchemar commence pour ne jamais s'arrêter ni laisser la moindre lueur d'espoir.


Le documentaire démontre de façon implacable qu'il ne fait pas bon être femme au pays des mollahs. Nous avons encore en tête la mort en septembre dernier de Masha Amini parce que quelques mèches de cheveux s'échappaient de son voile. J'apprends qu'une collégienne de 15 ans est morte la semaine dernière sous les coups des forces de l’ordre lors d’un raid mené dans son école, ou qu'un père selon la loi des crimes d'honneur a décapité sa fille de 13 ans dans son sommeil parce qu'elle s'était enfuie de chez elle... ça ne s'arrête pas ! C'est épouvantable, effrayant au-delà des mots.


Du fond de sa prison et grâce au combat sans relâche de sa mère, les deux femmes avaient réussi à mobiliser la communauté internationale pour ce combat perdu d'avance parce que les filles continuent de faire peur aux hommes. C'est inexplicable, au-delà de toute logique, objectivité, compréhension. On a beau retourné le "problème" dans tous les sens, rien ne vient pour justifier cette terreur. Quand on pense que même faire du vélo pour une fille est jugé indécent, on se dit que Reyhaneh n'avait pas l'ombre du commencement d'une chance de s'en sortir. Sa mère n'a pourtant cessé d'y croire jusqu'à la dernière seconde où elle attend, le jour de l'exécution, devant les murs de la prison. Les images que la réalisatrice allemande nous montre proviennent d'enregistrements clandestins fournis par la famille ou par une équipe qui tournait également clandestinement sur place le plus souvent au téléphone portable. Il est évident que le film n'a pu être tourné en Iran. La réalisatrice a rencontré les deux soeurs et la mère de Reyhaneh qui vivent en Allemagne alors que le père ne parvient toujours pas à quitter le pays.


Certains enregistrements sont bouleversants, notamment ce dernier appel de Reyhaneh qui annonce à sa mère qu'on vient sans doute la chercher pour l'exécuter. Les lettres magnifiques et terrifiantes tant ce qu'elles racontent est horrible sont lues par l'actrice Zar Amir Ebrahimi.


Le calvaire de Reyhaneh, torture, intimidation est entrecoupé par les interviews filmées des soeurs, de la mère et du père de la jeune femme. L'un des moments les plus forts, on reste sans voix, est lorsque la soeur de Reyhaneh s'exprime, elle a aujourd'hui plus de trente ans, et dit : "si je me trouvais dans la situation de Reyhaneh, je me laisserais faire, je me laisserais violer. La légitime défense n'est absolument pas reconnue pour les filles"... Voilà dans quel état d'esprit ces sous-hommes mettent les filles d'aujourd'hui dans ce pays.


Le procès de Reyhaneh est évidemment une parodie de justice. Alors que le juge du tribunal semble pointer quelques zones d'ombre dans le dossier qui seraient favorables à la jeune femme, il est immédiatement remplacé. Le pays applique par ailleurs la Loi du talion selon laquelle c'est la famille de la "victime" qui choisit la sentence et (si j'ai bien compris), c'est à un membre de la famille (un garçon) que revient le droit, l'honneur ou je ne sais quoi de faire basculer la chaise sur laquelle sera placée la condamnée avec la corde au cou !!! Mais la famille peut également accorder son pardon. La mère de Reyhaneh ne cessera d'être en relation avec le fils du mort pour le supplier. Des heures de discussion qui donnent parfois un peu espoir.


Tout ce qui aboutit à cette exécution est complètement bidonné. Le procès devient "politique" parce que le violeur était un médecin ancien agent des services secrets mais aussi l'acharnement à décrédibiliser Reyhaneh passe par des menaces, de l'intimidation, l'extorsion de faux aveux sous la pression, la découverte de preuves tel que l'étui du couteau après plusieurs fouilles complètes de l'appartement... Tout ce qui a pu adoucir les 7 années de calvaire de Reyhaneh est la rencontre avec les autres femmes de la prison qui manifestement font preuve de beaucoup de solidarité, d'entraide, de tendresse. Une d'elles, sortie de l'enfer témoigne dans le film. Mais rien n'a pu aider Reyhaneh, ni la mobilisation sans faille de ses proches, ni l'émotion générale à travers le monde.


Elle dit "je n'ai plus peur de la mort, j'ai envie de vivre mais j'en ai assez de cette vie-là".


En résumé les femmes sont coupables les hommes innocents et la Loi du talion ne s'applique pas pour certains coupables...


Le film a reçu deux prix lors de la dernière berlinale : Meilleur film et Prix du film pour la paix.


"Je porte les cris étouffés des femmes iraniennes" Shole Pakravan, mère de Reyhaneh.


Voici le texte qu'elle a écrit pour le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes :


"Je suis une femme. Une femme qui porte dans son coeur les cris étouffés des femmes dans les profondeurs de l’histoire. Des femmes considérées comme le deuxième sexe et qui dans de multiples points du monde n’ont aucun droit. Des femmes qui dans les guerres sont capturées comme du butin et qui au 21e siècle, sur les marchés aux esclaves montés par Daech, sont mises en vente. Des femmes qui dans de nombreuses parties du monde n’ont pas le droit de choisir, ni pour leur société, ni pour leur propre vie.


Je suis une femme qui a senti dans sa chair les souffrances des filles innocentes, victimes de viol et dont l’appel à l’aide et à la justice n’est pas entendu, parce que ma fille a connu cette situation. Je suis une mère, une mère dont la fille a été envoyée injustement à la potence.


Mais moi comme ma fille, et comme des miliers d’autres femmes, nous nous sommes renforcées dans le creuset des souffrances. Nous savons qu’on peut être femme et arracher ses droits en persévérant. On peut être femme et changer les conditions difficiles avec patience. On peut être femme et rester juste, même si on doit le payer de sa vie.


Ma Rayhaneh a maintenant rejoint l’Histoire. Mais sa persévérance et son insistance pour la vérité et la justice ont été un modèle pour beaucoup de filles.


Les oppresseurs obscurantistes m’ont enlevé Rayhaneh des bras et l’ont pendue. Ils ignorent que les graines de Rayhaneh (basilic) ont été plantées pour que des milliers d’autres jeunes pousses de basilic verts et frais croissent grâce à elle. »

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le 6 avr. 2023

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